Arrêt n° 35/06 du 12 mai 2006
Numéro 00035 du registre.
Composition:
- Monsieur Marc THILL, président,
- Monsieur Marc SCHLUNGS, conseiller,
- Monsieur Jean JENTGEN, conseiller,
- Madame Marie-Paule ENGEL, conseillère,
- Madame Andrée WANTZ, conseillère,
- Madame Lily WAMPACH, greffière.
Dans l'affaire n° 00035 du registre, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle conformément à l'article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle introduite par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg suivant jugement civil n° 505/2005 du 30 novembre 2005 et parvenue à la Cour le 13 décembre 2005 dans la cause
Entre:
le syndicat des communes de Flaxweiler et de Wormeldange pour J'enseignement et l'éducation dénommé «Schoulsyndikat Billel<» établissement public, établi à l'école régionale à Dreiborn, L-5499 Dreiborn, représenté par son bureau sinon par son président,
et:
Jean-Marc BECK, vigneron, demeurant à L-5434 Niederdonven, 14, rue Gewan,
Sur le rapport du magistrat délégué et sur les conclusions déposées au greffe de la Cour pour et au nom du syndicat des communes de Flaxweiler et de Wormeldange pour l'enseignement et l'éducation dénommé «Schoulsyndikat Billek» (SYNDICAT) par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour supérieure de Justice,
et
celles y déposées pour et au nom de Jean-Marc BECK par Maître Marc MODERT, avocat à la Cour supérieure de Justice,
ayant entendu en leurs plaidoiries les mandataires des parties au procès principal à l'audience du 17 mars 2006,
rend le présent arrêt:
Considérant que le tribunal d'arrondissement de Luxembourg saisi par le SYNDICAT d'une demande d'expropriation pour cause d'utilité publique dirigée contre Jean-Marc BECK a posé à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante:
«Les articles 26, 27, 34 et 35 de la loi modifiée du 16 août 1967 ayant pour objet la création d'une grande voirie de communication et d'un fonds des routes, dans la mesure où ils prévoient les étapes de la procédure d'expropriation et d'indemnisation, et une chronologie des jugements à intervenir dès avant le paiement de l'indemnité d'expropriation n'intervient que dans un troisième temps, après le jugement ayant d'ores et déjà fait droit à la requête en expropriation et après la transcription de ce jugement, sont-ils conformes à l'article 16 de la Constitution qui dispose que «Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité»?;
Considérant que toute disposition légale permettant le transfert total ou partiel du droit de propriété avant le versement intégral de la juste indemnité est contraire à l'article 16 de la Constitution qui dispose que «Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique dans le cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité»;
Considérant que le jugement prévu à l'article 28 de la prédite loi du 15 mars 1979, faisant droit à la requête de l'expropriant opère le passage du fonds concerné du patrimoine de l'exproprié dans celui du requérant et que la transcription de cette décision sur le registre du conservateur des hypothèques rend le transfert opposable aux tiers;
Considérant que le même article 28 ne prévoit à titre d'indemnité qu'une simple avance provisionnelle quitte à voir fixer ultérieurement le dédommagement définitif sur base d'une évaluation par experts; que cette disposition légale n'est dès lors pas conforme à l'article 16 de la Constitution qui exige une indemnité juste et préalable;
Considérant que les articles 35 et 36 de la loi du 15 mars 1979 déterminant la procédure de l'indemnisation complète se déroulant après la privation de la propriété, doivent au même titre encourir la sanction de non-conformité à la Constitution; Considérant cependant que l'article 27 de la susdite loi, neutre par rapport au système irrégulier d'expropriation, n'est pas contraire à la Loi fondamentale;
Par ces motifs:
la Cour Constitutionnelle dit que les articles 28, 35 et 36 de la loi du 15 mars 1979 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique ne sont pas conformes à l'article 16 de la Constitution;
dit que l'article 27 de la même loi n'y est pas contraire;
ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation; o r don n e que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal d'arrondissement de Luxembourg dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.
Prononcé en audience publique par Nous Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.
Le président, Le greffier
Marc Thill Lily Wampach