lundi 25 juin 2007

Arrêt CCLUX 1603

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 16/03 du 07.02.2003

Numéro 00016 du registre.

Audience publique du vendredi, sept février deux mille trois.


Composition:
  • Monsieur Marc THILL, président,
  • Monsieur Marc SCHLUNGS, conseiller,
  • Madame Andrée WANTZ, conseillère,
  • Madame Léa MOUSEL, conseillère,
  • Madame Marion LANNERS, conseillère,
  • Madame Lily WAMPACH, greffier.

Entre
le SYNDICAT DE LA DISTRIBUTION D’EAU DES ARDENNES, en abrégé DEA, établi à L-8701 USELDANGE, 18, rue de Schandel, représenté par le président de son comité d’administration actuellement en fonctions,
demandeur,
comparant par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch,

et

ZENNERS Jean-Pierre, rentier, demeurant à L-7224 WALFERDANGE, 80, rue de l’Eglise,
défendeur,
comparant par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE:

Vu le jugement rendu le 17 septembre 2002 par le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch et transmis au greffe de la Cour Constitutionnelle le 2 octobre 2002.

Ouï la conseillère Andrée WANTZ en son rapport et sur les conclusions de Jean-Pierre Zenners, déposées le 8 octobre 2002, et du Syndicat de la Distribution d’Eau des Ardennes, déposées le 24 octobre 2002 ainsi que du Ministère Public déposées le 30 octobre 2002.

Considérant que le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, saisi par le Syndicat de la Distribution d’Eau des Ardennes, en abrégé D.E.A., d’une demande d’expropriation pour cause d’utilité publique contre Jean-Pierre ZENNERS aux fins de voir déclarer les formalités prescrites par la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique observées, de voir procéder au règlement des indemnités et de voir ordonner l’envoi en possession, a demandé à la Cour Constitutionnelle de se prononcer sur la question préjudicielle suivante:

«L’article 28 de la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique en disposant que le tribunal fixe, par voie d’évaluation sommaire, le montant de l’indemnité provisionnelle que l’expropriant devra payer à l’exproprié, et l’article 32 en disposant que l’expropriant, après avoir consigné l’indemnité provisionnelle à la Caisse des Consignations, peut se faire envoyer en possession du bien exproprié par ordonnance du président du tribunal, sont-ils conformes à l’article 16 de la Constitution qui dispose que «nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité.»

Considérant que l’article 16 de la Constitution pose d’une part le principe que le propriétaire ne peut être privé des droits qu’il a sur sa propriété et énonce d’autre part la seule exception à ce principe, à savoir la privation de propriété pour cause d’utilité publique en la soumettant toutefois aux exigences et procédures d’une loi et au paiement d’une juste et préalable indemnité.
Que le droit de propriété est un droit fondamental et toute dérogation qui y porte atteinte est d’interprétation stricte.
Considérant que l’article 28 de la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit que «lorsque le tribunal fait droit à la requête de l’expropriation il fixe, dans le même jugement, par la voie de l’évaluation sommaire, les indemnités provisionnelles que l’expropriant devra payer ...» et que l’article 32 de la même loi dispose que «après avoir signifié par exploit d’huissier à toutes les parties défenderesses et intervenantes une copie certifiée conforme 1) du jugement fixant l’indemnité provisionnelle 2) du certificat de dépôt de l’indemnité provisionnelle à la caisse des consignations, l’expropriant peut se faire envoyer en possession du bien exproprié par ordonnance du président du tribunal.»

Considérant que l’indemnité prévue à l’article 16 de la Constitution doit être juste, ce qui signifie qu’elle doit être complète pour dédommager le préjudice subi par le propriétaire privé définitivement de son bien.
Qu’elle doit être préalable, c’est-à-dire que son règlement doit précéder l’envoi en possession.

Considérant que l’envoi en possession sur la seule base de la consignation d’une indemnité provisionnelle sommairement évaluée, n’est pas conforme à l’article 16 de la Constitution qui prévoit une indemnité juste et préalable.


Par ces motifs:

dit que les articles 28 et 32 de la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique pour autant qu’ils prévoient l’envoi en possession de l’expropriant contre consignation d’une indemnité provisionnelle sommairement évaluée, ne sont pas conformes à l’article 16 de la Constitution;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal
d’arrondissement de et à Diekirch dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.


Prononcé en audience publique par Nous, Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le président, Le greffier,
Marc THILL Lily WAMPACH