lundi 25 juin 2007

Arrêt CCLUX 1503

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 15/03 du 03.01.2003

Numéro 00015 du registre.

Audience publique du vendredi, trois janvier deux mille trois.

Composition:

  • Monsieur Marc THILL, président,
  • Monsieur Georges KILL, vice-président,
  • Monsieur Jean JENTGEN, conseiller,
  • Madame Andrée WANTZ, conseillère,
  • Monsieur Roland SCHMIT, conseiller,
  • Madame Lily WAMPACH, greffier.

Entre:

Madame Corina Camelia GRIGORE, de nationalité roumaine, demeurant à L-4336 ESCH-SUR-ALZETTE, 3, rue de la Tuilerie,
demanderesse,
comparant par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

et:

l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son Ministre d'Etat à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, et pour autant que de besoin par son Ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, demeurant à L-2273 Luxembourg, 20, montée de la Pétrusse,
défendeur,
comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Vu le jugement rendu le 8 juillet 2002 par le tribunal administratif et transmis au greffe de la Cour Constitutionnelle le 10 juillet 2002.

Ouï le conseiller Roland SCHMIT en son rapport et sur les conclusions de Corina Camelia GRIGORE déposées le 30 juillet 2002 et le 6 septembre 2002 et sur celles déposées par l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg le 9 août 2002.

Saisi d'un recours formé par Corina Camelia GRIGORE contre un arrêté du 1er octobre 2001 pris par la ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et portant refus d'accorder l'homologation du diplôme de docteur en stomatologie délivré en 1994 par l'Université «OVIDIUS» de Constanze (Roumanie) au motif que la requérante n'avait pas suivi un certain nombre de matières obligatoires énumérées à l'annexe du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 fixant les critères d'homologation des titres et grades en médecine dentaire pris en exécution de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l'enseignement supérieur et l'homologation des titres et grades étrangers d'enseignement supérieur, le tribunal administratif a saisi la Cour Constitutionnelle de la question préjudicielle suivante:
«L'article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l'enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d'enseignement supérieur, en ce qu'il dispose que «l'homologation (des titres et grades étrangers d'enseignement supérieur) ne pourra être accordée que si les études supérieures des postulants et leurs diplômes ou titres d'examens finals d'étrangers répondent à certains critères généraux, à établir par règlement grand-ducal pour chaque discipline. Ce règlement pourra fixer, selon les besoins des différentes disciplines, entre autres une durée
minimale des études supérieures ainsi que la nature et l'étendue des matières qui doivent avoir fait l'objet de l'enseignement théorique et pratique. Les diplômes présentés à l'homologation doivent, sans dérogation possible, conférer un grade d'enseignement supérieur reconnu par le pays d'origine, ou y donner accès au stage ou à la profession, selon la branche choisie, sans qu'une discrimination puisse être faite entre titres légaux et titres scientifiques, entre titre d'Etat et titres d'Université (...)», est-il conforme à la Constitution et notamment à ses articles 11 (6) et 23 pris dans ses troisième, sinon quatrième alinéa»?

Considérant que la question indique avec précision les dispositions législatives et constitutionnelles sur lesquelles elle porte;

Considérant que l'article 11(6) de la Constitution dispose que «la loi garantit la liberté du commerce et de l'industrie, l'exercice de la profession libérale et du travail agricole, sauf les restrictions à établir par le pouvoir législatif» et que l'article 23 de la Constitution, en ses passages pertinents, énonce que «(la loi) règle (...) tout ce qui est relatif à l'enseignement (alinéa 3)» et que «chacun est libre de faire ses études dans le Grand-Duché ou à l'étranger et de fréquenter les universités de son choix, sauf les dispositions de la loi sur les conditions d'admission aux emplois et à l'exercice de certaines professions» (alinéa 4);

Considérant que l'effet des réserves de la loi énoncées par la Constitution consiste en ce que nul, sauf le pouvoir législatif, ne peut valablement disposer des matières érigées en réserve; qu'il est toutefois satisfait à la réserve constitutionnelle si la loi se borne à tracer les grands principes tout en abandonnant au pouvoir réglementaire la mise en oeuvre du détail;

Considérant cependant que l'article 4 de la susdite loi abandonne en partie au pouvoir réglementaire l'établissement pour chaque discipline de critères généraux autres que ceux qu'il prévoit lui-même - durée minimale des études supérieures, nature et étendue des matières devant avoir fait l'objet de l'enseignement théorique et pratique -; que dans cette mesure, il est contraire à la Constitution.


Par ces motifs

dit que l'article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l'enseignement supérieur et l'homologation des titres et grades étrangers d'enseignement supérieur est contraire aux articles 11(6) et 23, alinéa 3 et 4 de la Constitution dans la mesure où il prévoit l'établissement par voie de règlement grand-ducal d'autres critères que ceux qu'il fixe lui-même;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal administratif dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous, Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le président, Le greffier,
Marc THILL Lily WAMPACH