lundi 25 juin 2007

Arrêt CCLUX 1302

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 13/02 du 17.05.2002

Numéro 00013 du registre.

Audience publique du vendredi, dix-sept mai deux mille deux.


Composition:
  • Monsieur Marc Thill, président,
  • Monsieur Georges Kill, vice-président,
  • Monsieur Jean Jentgen, conseiller,
  • Madame Andrée Wantz, conseillère,
  • Madame Marion Lanners, conseillère,
  • Madame Lily Wampach, greffier.

Entre

Monsieur X . . . . . . . . . . . ., demeurant à A . . . . . . . .
demandeur,
comparant par Maître Réguia Amiali, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, assistée de Maître Martine Lauer, avocat, demeurant à Luxembourg

et:

Madame Y . . . . . . . . . . , demeurant à B . . . . .
défenderesse
comparant par Maître Arsène Kronshagen, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Ouï Monsieur le conseiller Jean Jentgen en son rapport et sur les conclusions de Madame Y . . . . . . . . déposées au greffe de la Cour les 18 janvier et 19 février 2002 et celles de Monsieur X . . . . . . . y déposées les 18 janvier et 21 février 2002,

Vu le jugement de renvoi rendu par le tribunal de paix de Luxembourg à la date du 20 décembre 2001;

Considérant que cette juridiction a, dans le cadre d’un litige opposant Monsieur X . . . . . et Madame Y . . . . . quant à la suppression sinon à la réduction du secours alimentaire fixé dans la convention du divorce par consentement mutuel des parties, saisi la Cour Constitutionnelle des questions préjudicielles suivantes:
1) L’article 277, alinéa 4 du Code civil, en ce qu’il limite les cas d’ouverture de l’action en révision du secours alimentaire fixé dans une convention de divorce par consentement mutuel aux seules hypothèses de détérioration de la situation du débiteur ou du créancier des aliments, alors que l’article 300, alinéa 4 du Code civil dispose dans le cadre du divorce pour cause déterminée que la pension alimentaire est toujours révisable et révocable, partant également dans les hypotheses d’amélioration de la situation du débiteur ou du créancier des aliments et que de façon générale les articles 208 et 209, 214, 268, 303 et 385 du Code civil et l’application qui en est faite par les tribunaux prévoient que les pensions alimentaires sont fixées en fonction des besoins du créancier et des facultés du débiteur, est-il conforme à l’article 10bis alinéa 1ier de la Constitution aux termes duquel les Luxembourgeois sont égaux devant la loi?

2) L’article 276 du Code civil, en ce qu’il permet aux époux dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel de transiger sur leurs droits respectifs dans leurs biens mobiliers et immobiliers, et l’article 277, alinéa 4 du Code civil, en ce qu’il limite les cas d’ouverture de l’action en révision du secours alimentaire fixé dans une convention de divorce par consentement mutuel aux seules hypothèses de détérioration de la situation du débiteur ou du créancier des aliments, alors que l’article 300, alinéa 5 du Code civil permet aux époux dans le cadre de la procédure de divorce pour cause déterminée de transiger sur la créance d’aliments et dispose que cette transaction ne demeure valable que tant que durera dans le chef du créancier ou du débiteur la situation en considération de laquelle la transaction a été conclue, ouvrant de ce fait l’action en révision du secours alimentaire aussi bien en cas de de détérioration de la situation de l’une des deux parties qu’en cas d’amélioration de l’une de ces deux situations, sont-ils conformes à l’article 10bis, alinéa 1ier de la Constitution aux termes duquel les Luxembourgeois sont égaux devant la loi?

Considérant que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but;

Considérant toutefois que la mise en oeuvre de la règle constitutionnelle d’égalité présuppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation de droit comparable au regard de la mesure critiquée;

Considérant que le divorce par consentement mutuel et le divorce pour cause déterminée, bien que tendant vers la même fin, constituent des institutions juridiques distinctes qui suivent des régimes spécifiques:

Considérant que le régime du divorce par consentement mutuel, nonobstant l’entorse y apportée par la loi du 15 mars 1993, est de nature essentiellement consensuelle et gracieuse, tandis que celui du divorce pour cause déterminée est de nature essentiellement judiciaire et contentieuse;

Considérant que les époux ont la liberté de choix entre l’une ou l’autre des deux institutions légales et que la question du secours alimentaire est fonction de l’institution choisie;

Considérant que les époux qui ont opté pour l’une des institutions et ceux qui ont opté pour l’autre ne sont pas dans une situation comparable;

Considérant qu’il s’ensuit que les discriminations visées dans les deux questions préjudicielles réunies ne violent pas l’article 10bis alinéa 1er de la Constitution.


PAR CES MOTIFS:

dit que, par rapport aux questions posées, ni l’article 277 alinéa 4 du code civil ni l’article 276 du même code ne sont contraires à l’article 10bis alinéa 1er de la Constitution,

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l’arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation et qu’il soit fait abstraction, lors de la publication, des données à caractère personnel des parties;;

ordonne que l’expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle à la Justice de Paix de Luxembourg dont émane la saisine et qu’une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Marc Thill, président de la Cour Constitutionnelle, date qu’en tête.

Le président, Le greffier,
Marc Thill Lily Wampach