lundi 25 juin 2007

Arrêt CCLUX 3406

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 34/06 du 12.05.2006

Numéro 00034 du registre.

Composition:

  • Monsieur Marc THILL, président,
  • Monsieur Marc SCHLUNGS, conseiller,
  • Monsieur Jean JENTGEN, conseiller,
  • Madame Marie-Paule ENGEL, conseillère,
  • Madame Andrée WANTZ, conseillère,
  • Madame Lily WAMPACH, greffière.

Dans l'affaire n° 00034 du registre, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle conformément à l'article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle introduite par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg suivant jugement civil n° 504/2005 du 30 novembre 2005 et parvenue à la Cour le 13 décembre 2005 dans la cause

Entre:

l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par le ministre d'Etat, ayant ses bureaux à L-2910 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation et pour autant que de besoin par le ministre des travaux publics, ayant ses bureaux à L-2450 Luxembourg, 4, boulevard Roosevelt,

et:

Madame Berthe LlNSTER, retraitée, demeurant à L-3333 Hellange, 11, route de Bettembourg, 2) Madame Yvonne LlNSTER, retraitée, demeurant à L-7565 Mersch, 28, rue E. Servais,




Sur le rapport du magistrat délégué et sur les conclusions déposées au greffe de la Cour pour et au nom de l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg par Maître Tonia FRIEDERS-SCHEIFER, assistée de Maître Patrick KINSCH, les deux avocats à la Cour supérieure de Justice,
et celles y déposées pour et au nom de Berthe LlNSTER et Yvonne LlNSTER par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour supérieure de Justice,
ayant entendu en leurs plaidoiries les mandataires des parties au procès principal à l'audience du 17 mars 2006,
rend le présent arrêt:

Considérant que le tribunal d'arrondissement de Luxembourg saisi par l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg d'une demande d'expropriation pour cause d'utilité publique contre les dames Berthe LINSTER et Yvonne LINSTER a posé à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante:

«Les articles 26, 27, 34 et 35 de la loi modifiée du 16 août 1967 ayant pour objet la création d'une grande voirie de communication et d'un fonds des routes, dans la mesure où ils prévoient les étapes de la procédure d'expropriation et d'indemnisation, et une chronologie des jugements à intervenir dès avant le paiement de l'indemnité d'expropriation, en ce qu'ils disposent que, dès son premier jugement, le tribunal constate l'accomplissement régulier des formalités de l'expropriation et fait droit à la requête en expropriation, que ce jugement est transcrit au registre du conservateur des hypothèques, et que ce n'est que dans son deuxième jugement que le tribunal détermine l'indemnité d'expropriation, tandis que le paiement de l'indemnité d'expropriation n'intervient que dans un troisième temps, après le jugement ayant d'ores et déjà fait droit à la requête en expropriation et après la transcription de ce jugement, sont-ils conformes à l'article 16 de la Constitution qui dispose: «Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité»?

Considérant que toute disposition légale permettant le transfert total ou partiel du droit de propriété avant le versement intégral de la juste indemnité est contraire à l'article 16 de la Constitution qui dispose que «Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique dans le cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité»;

Considérant que le jugement prévu à l'article 27 de la loi du 16 août 1967, faisant droit à la requête de l'expropriant opère le passage du fonds concerné du patrimoine de l'exproprié dans celui du requérant et que la transcription de cette décision sur le registre du conservateur des hypothèques rend le transfert opposable aux tiers;

Considérant que le même article 27 ne prévoit à titre d'indemnité qu'une simple avance provisionnelle quitte à voir fixer ultérieurement le dédommagement définitif sur base d'une évaluation par experts; que cette disposition légale n'est dès lors pas conforme à l'article 16 de la Constitution qui exige une indemnité juste et préalable; Considérant que les articles 34 et 35 de la loi du 16 août 1967 déterminant la procédure de l'indemnisation complète se déroulant après la privation de la propriété, doivent au même titre encourir la sanction de non-conformité à la Constitution;

Considérant cependant que l'article 26 de la loi du 16 août 1967, neutre par rapport au système irrégulier d'expropriation, n'est pas contraire à la Loi fondamentale;


Par ces motifs:

la Cour Constitutionnelle dit que les articles 27, 34 et 35 de la loi du 16 août 1967 ayant pour objet la création d'une grande voirie de communication et d'un fonds des routes ne sont pas conformes à l'article 16 de la Constitution;

dit que l'article 26 de la même loi n'y est pas contraire;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation; o r don n e que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal d'arrondissement de Luxembourg dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le président, Le greffier
Marc Thill Lily Wampach