Arrêt n° 03/98 du 20.11.1998
Numéro 0003 du registre.
Audience publique du vendredi, vingt novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.
Composition:
Marc Thill, président,
Raoul Gretsch, conseiller,
Jean Kipgen, conseiller,
Marc Schlungs, conseiller,
Marion Lanners, conseiller,
Aloyse Pettinger, greffier
signé: Thill, Pettinger.
Entre:
Aldina Azenha Sansana, épouse Francisco José Dos Santos Pereira, demeurant à L-9410 Vianden, 57, Grand-rue, prise en sa qualité d'administratice légale de la personne et des biens de son enfant mineur Raoul Sansana Loureiro, né le 27 avril 1982,
demanderesse,
comparant par Maître Paul Theves, avocat (I), demeurant à Luxembourg,
et:
1) l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son Ministre d'Etat à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation,
2) le Ministre de l'Education Nationale et de la Formation Professionnelle, ayant son cabinet ministériel à L-1118 Luxembourg, 29, rue Aldringen,
défendeurs,
comparant par Maître Marc Thewes, avocat (I), demeurant à Luxembourg.
LA COUR CONSTITUTIONNELLE
Vu le jugement rendu le 15 avril 1998 par le tribunal administratif dans l'affaire Aldina Azenha Sansana contre leministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle inscrite sous le numéro 9633 du rôle et déposé au greffe de la Cour Constitutionnelle le 21 avril 1998;
Ouï Monsieur le conseiller Gretsch en son rapport et les parties en leurs explications;
Sur la compétence contestée de la Cour Constitutionnelle:
Considérant que la Cour Constitutionnelle est saisie par le tribunal administratif pour statuer à titre préjudiciel sur la conformité d'une loi à la Constitution;
que sa compétence résulte des dispositions de l'article 95ter de la Constitution;
Sur la question préjudicielle:
Considérant que le tribunal administratif a posé à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante:
"L'article 1er de la loi modifiée du 10 août 1912 concernant l'organisation de l'enseignement primaire, disposant que
Considérant que la question préjudicielle a été soulevée dans le cadre du litige opposant Aldina Azenha Sansana à l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg et concerne un recours en annulation à l'encontre d'une décision ministérielle confirmant le refus de la direction du Lycée technique d'Ettelbruck de dispenser l'élève Raoul Sansana Loureiro, âgé de 13 ans à l'époque et inscrit en classe de 7e du régime préparatoire de l'enseignement secondaire technique, de suivre les cours du samedi; que la demande était motivée par le fait que selon les convictions de l'Eglise Adventiste du 7e jour, dont l'élève est membre, l'observation du repos absolu pendant la journée du samedi est obligatoire;
Considérant que, dans l'optique du tribunal administratif, le litige met en évidence un conflit entre la liberté religieuse garantie par la Constitution et l'obligation scolaire pendant une partie de l'enseignement secondaire prévue par la loi;
Considérant que l'article 19 de la Constitution dipose que "La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions religieuses sont garanties, sauf la répression des délits à l'occasion de l'usage de ces libertés."
Considérant que la liberté des cultes consiste dans le droit pour chacun de croire et de professer sa foi religieuse sans pouvoir en être empêché ni poursuivi de ce chef, d'exercer son culte sans que l'autorité civile puisse, par des considérations tirées de sa nature ou de son fondement, y intervenir ou même le prohiber;
Considérant d'un autre côté que les convictions religieuses ou philosophiques ne peuvent aller à l'encontre du droit fondamental de l'enfant à l'instruction;
Considérant que l'article 23, alinéa 3 de la Constitution, prévoyant la scolarité primaire obligatoire et gratuite réserve à la loi la réglementation de tout ce qui touche à l'enseignement;
Considérant que sur le fondement de cette disposition, il appartient au législateur de déterminer la durée de la scolarité obligatoire;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'étendue de la liberté des cultes ne saurait être telle que son exercice provoque des difficultés susceptibles de perturber la programmation des cours scolaires et donc le système éducatif;
Par ces motifs:
dit que l'article 1er de la loi modifiée du 10 août 1912 concernant l'organisation de l'enseignement primaire n'est pas contraire à l'article 19 de la Constitution;
ordonne que, dans les trente jours de son prononcé, l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;
ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal administratif,
juridiction dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.
Prononcé en audience publique par Nous, Marc Thill, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.
Le Président Le Greffier
M. Thill A. Pettinger