lundi 25 juin 2007

Arrêt CCLUX 4007

ARRET DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Arrêt n°40/07 du 25 mai 2007

Numéro 00040 du registre


Composition:
  • Mme Marion LANNERS, vice-présidente,
  • M. Jean JENTGEN, conseiller,
  • Mme Marie-Paule ENGEL, conseillère,
  • Mme Andrée WANTZ, conseillère,
  • Mme Marie-Jeanne HAVE, conseillère,
  • greffière: Mme Lily WAMPACH


L'arrêt 40/07 ayant pour objet une demande de décision préjudicielle conformément à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle introduite par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, dix-septième section, siégeant en matière civile, suivant jugement n° 187/2006 (n° 94743 du rôle) du 11 octobre 2006 et parvenue à
la Cour le 20 novembre 2006 dans la cause opposant

  1. Joseph G., fonctionnaire, demeurant à L-5460 Trintange, 12, rue des Vignes,
  2. Fernand G., lieutenant-colonel de l’Armée, demeurant à L-9186 Stegen, 6, rue Nic Pletschette,
  3. Louis G., cultivateur, demeurant à L-8369 Hivange, 6, rue des Champs,

à

  1. Léon G., fonctionnaire d’Etat, demeurant à L-8291 Meispelt, 11, rue de Dondelange,
  2. Nicolas G. junior, ingénieur agronome, demeurant à L-7545 Mersch, 7, Lohrberg,

Sur le rapport du magistrat délégué et sur les conclusions déposées au greffe de la Cour pour et au nom de
1) Joseph G. 2) Fernand G. et 3) Louis G. par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour supérieure de Justice, ainsi que celles y déposées pour et au nom de 1) Léon G. et 2) Nicolas G. par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour supérieure de Justice, ayant entendu en leurs plaidoiries les mandataires des parties au procès principal à l’audience du 9 février 2007, rend le présent arrêt:

Considérant que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisi par Joseph, Fernand et Louis G. d’une demande en liquidation et en partage de la succession de feu Nicolas G. senior dirigée contre leurs frères Léon et Nicolas G., a posé à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante:
«Les dispositions de la loi du 9 juillet 1969 ayant pour objet de modifier et compléter les articles 815, 832, 866, 2103 (3) et 2109 du code civil, pour autant qu’elles sont relatives aux règles d’évaluation des biens faisant l’objet de l’attribution préférentielle
telles que prévues à l’article 832-1 8) à 11) du code civil, combiné avec l’article 832-4 de ce même code, sont-elles conformes à l’article 10bis de la Constitution qui prescrit l’égalité des Luxembourgeois devant la loi?»

Considérant que dans leurs conclusions déposées le 29 novembre 2006 au greffe de la Cour Constitutionnelle, Léon et Nicolas G. ont formulé la question préjudicielle additionnelle suivante: «Ces mêmes dispositions sont-elles conformes à l’article 32 (3) de la Constitution?»
Considérant que l’alinéa (2) de l’article 95ter de la Constitution réserve aux juridictions le droit de saisir à titre préjudiciel la Cour Constitutionnelle suivant les modalités à établir par la loi;

Considérant que la question préjudicielle additionnelle posée par Léon et Fernand G. est dès lors à rejeter comme non recevable;

Considérant que l’article 832-1 du code civil dispose en ses alinéas 8) à 11) que: «8° Les biens faisant l’objet de l’attribution sont estimés à leur valeur de rendement agricole au jour du partage. La valeur de rendement agricole correspond à la rente capitalisée de l’exploitation agricole gérée dans des conditions rationnelles de production, compte tenu de sa destination économique normale. - 9° Les principes et modalités à appliquer pour la détermination de la valeur de rendement agricole sont fixés par règlement grand-ducal. Ce règlement porte aussi institution d’un organe de taxation, dont il détermine la mission et la composition. Cet organe doit comprendre des représentants de la profession agricole. Sur base des données élaborées par cet organe de taxation, un deuxième règlement grand-ducal, précisera l’application des principes et modalités arrêtés par le règlement grand-ducal susvisé. - 10° La valeur de rendement agricole est fixée, en cas de désaccord des parties, par le tribunal sur avis d’un rapport d’expertise établi conformément à l’article 8 de la présente loi. - 11° Sauf accord amiable entre les copartageants, la soulte éventuellement due est payable comptant»;

Considérant que l’article 832-4 du code civil énonce que: «1° Si l’attributaire vend tout ou partie des immeubles qui lui ont été attribués conformément aux articles 832-1 et 832-2 dans les 10 ans suivant cette attribution, à un prix supérieur à celui qui aura été pris en considération à l’occasion de l’attribution, la différence en plus fera l’objet d’un partage supplémentaire ; toutefois, ce délai est porté à 20 ans pour les terres agricoles qui, au moment de l’attribution préférentielle, se trouvent à l’intérieur du perimètre d’agglomération fixé par des plans d’aménagement légalement établis, ou à leur défaut, sont situés dans un rayon inférieur à cent mètres d’une agglomeration constituée par un ensemble d’au moins cinq maisons bâties servant d’une façon permanente à l’habitation humaine.
2° Pour être opposables au tiers, les droits découlant pour les copartageants de l’alinéa qui précède donneront lieu à une inscription à prendre, à leur requête, dans les quarante-cinq jours de l’attribution auprès du conservateur des hypothèques de la situation des immeubles»;

Considérant qu’aux termes de l’article 10bis (1) de la Constitution «Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi»;

Considérant que la mise en oeuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard des mesures critiquées;

Considérant que la situation des bénéficiaires de l’attribution préférentielle par rapport à celle des copartageants qui en sont exclus est comparable de par leur vocation d’attributaire dans un partage;

Considérant que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à la condition que la disparité existant entre elles soit objective, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but;

Considérant que l’estimation selon la valeur de rendement agricole au jour du partage qui est d’après les travaux préparatoires de la susdite loi inférieure à la valeur vénale, à savoir «approximativement la moitié de la valeur vénale» et «une valeur notablement inférieure à trois quarts de la valeur réelle» (doc. parl. n° 1264: rapport de la commission spéciale, p.4 ; avis du Conseil d’Etat, p.4), combiné à la possibilité d’un partage supplémentaire, telle que prévue à l’article 832-4 du code civil, crée une disparité entre les bénéficiaires de l’attribution préférentielle et les copartageants non attributaires;

Considérant que l’objectivité de la disparité réside dans le fait que les copartageants bénéficiaires de l’attribution préférentielle doivent remplir les conditions légales énoncées à l’article 832-1 sub) 3 et 7 du code civil, c’est-à-dire participer ou avoir participé effectivement et personnellement ou par leur conjoint en cas de succession à la mise en valeur de l’exploitation agricole et être les plus aptes à la gérer et à s’y maintenir;

Considérant que l’attribution préférentielle de l’exploitation agricole à un ou plusieurs copartageants introduite par la loi du 9 juillet 1969 ayant pour objet de modifier et compléter les articles 815, 832, 866, 2103 (3) et 2109 du code civil a pour but d’éviter que les exploitations agricoles ne soient morcelées à l’occasion des partages en les préservant comme unités de production viables et de permettre à ceux qui les reprennent de les acquérir à des prix économiquement justifiés dans l’intérêt général de l’agriculture et de sa compétitivité au sein du marché commun;

Considérant que l’évaluation des biens faisant l’objet de l’attribution préférentielle à une valeur moindre que la valeur du marché combinée avec la faculté de procéder à un partage supplémentaire en cas de situation nouvelle répond en principe au but recherché et est rationnellement justifiée;

Considérant cependant que l’estimation des biens alloués à leur valeur de rendement agricole au jour du partage, telle qu’exposée ci-dessus, ensemble la limitation de la faculté de procéder à un partage supplémentaire dans les délais déterminés par la loi au seul cas de la vente des immeubles sans prendre en considération toute autre hypothèse d’aliénation ou de désaffectation, crée une disproportion entre les bénéficiaires de l’attribution agricole et leurs copartageants;

Considérant dès lors que l’inégalité instaurée par l’article 832-1 (8) à (11) du code civil, en combinaison avec l’article 832-4 du même code, se heurte aux dispositions de l’article 10 bis de la Constitution;

Par ces motifs:

  1. déclare irrecevable la question préjudicielle posée directement à la Cour Constitutionnelle par Léon et Nicolas G.;
  2. dit que l’article 832-1 (8) à (11) du code civil, en combinaison avec l’article 832-4 du même code, n’est pas conforme à l’article 10 bis de la Constitution;
  3. ordonne que dans les trente jours de son prononcé l’arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;
  4. ordonne que l’expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 17e section, siégeant en matière civile, dont émanait la saisine et qu’une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Marion LANNERS, vice-présidente de la Cour Constitutionnelle, date qu’en tête.

La vice-présidente Le greffier,
Marion Lanners Lily Wampach

Arrêt CCLUX 3506

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 35/06 du 12 mai 2006

Numéro 00035 du registre.

Composition:

  • Monsieur Marc THILL, président,
  • Monsieur Marc SCHLUNGS, conseiller,
  • Monsieur Jean JENTGEN, conseiller,
  • Madame Marie-Paule ENGEL, conseillère,
  • Madame Andrée WANTZ, conseillère,
  • Madame Lily WAMPACH, greffière.

Dans l'affaire n° 00035 du registre, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle conformément à l'article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle introduite par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg suivant jugement civil n° 505/2005 du 30 novembre 2005 et parvenue à la Cour le 13 décembre 2005 dans la cause

Entre:

le syndicat des communes de Flaxweiler et de Wormeldange pour J'enseignement et l'éducation dénommé «Schoulsyndikat Billel<» établissement public, établi à l'école régionale à Dreiborn, L-5499 Dreiborn, représenté par son bureau sinon par son président,

et:

Jean-Marc BECK, vigneron, demeurant à L-5434 Niederdonven, 14, rue Gewan,


Sur le rapport du magistrat délégué et sur les conclusions déposées au greffe de la Cour pour et au nom du syndicat des communes de Flaxweiler et de Wormeldange pour l'enseignement et l'éducation dénommé «Schoulsyndikat Billek» (SYNDICAT) par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour supérieure de Justice,
et
celles y déposées pour et au nom de Jean-Marc BECK par Maître Marc MODERT, avocat à la Cour supérieure de Justice,
ayant entendu en leurs plaidoiries les mandataires des parties au procès principal à l'audience du 17 mars 2006,
rend le présent arrêt:

Considérant que le tribunal d'arrondissement de Luxembourg saisi par le SYNDICAT d'une demande d'expropriation pour cause d'utilité publique dirigée contre Jean-Marc BECK a posé à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante:

«Les articles 26, 27, 34 et 35 de la loi modifiée du 16 août 1967 ayant pour objet la création d'une grande voirie de communication et d'un fonds des routes, dans la mesure où ils prévoient les étapes de la procédure d'expropriation et d'indemnisation, et une chronologie des jugements à intervenir dès avant le paiement de l'indemnité d'expropriation n'intervient que dans un troisième temps, après le jugement ayant d'ores et déjà fait droit à la requête en expropriation et après la transcription de ce jugement, sont-ils conformes à l'article 16 de la Constitution qui dispose que «Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité»?;

Considérant que toute disposition légale permettant le transfert total ou partiel du droit de propriété avant le versement intégral de la juste indemnité est contraire à l'article 16 de la Constitution qui dispose que «Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique dans le cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité»;

Considérant que le jugement prévu à l'article 28 de la prédite loi du 15 mars 1979, faisant droit à la requête de l'expropriant opère le passage du fonds concerné du patrimoine de l'exproprié dans celui du requérant et que la transcription de cette décision sur le registre du conservateur des hypothèques rend le transfert opposable aux tiers;

Considérant que le même article 28 ne prévoit à titre d'indemnité qu'une simple avance provisionnelle quitte à voir fixer ultérieurement le dédommagement définitif sur base d'une évaluation par experts; que cette disposition légale n'est dès lors pas conforme à l'article 16 de la Constitution qui exige une indemnité juste et préalable;

Considérant que les articles 35 et 36 de la loi du 15 mars 1979 déterminant la procédure de l'indemnisation complète se déroulant après la privation de la propriété, doivent au même titre encourir la sanction de non-conformité à la Constitution; Considérant cependant que l'article 27 de la susdite loi, neutre par rapport au système irrégulier d'expropriation, n'est pas contraire à la Loi fondamentale;


Par ces motifs:

la Cour Constitutionnelle dit que les articles 28, 35 et 36 de la loi du 15 mars 1979 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique ne sont pas conformes à l'article 16 de la Constitution;

dit que l'article 27 de la même loi n'y est pas contraire;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation; o r don n e que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal d'arrondissement de Luxembourg dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le président, Le greffier
Marc Thill Lily Wampach

Arrêt CCLUX 3406

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 34/06 du 12.05.2006

Numéro 00034 du registre.

Composition:

  • Monsieur Marc THILL, président,
  • Monsieur Marc SCHLUNGS, conseiller,
  • Monsieur Jean JENTGEN, conseiller,
  • Madame Marie-Paule ENGEL, conseillère,
  • Madame Andrée WANTZ, conseillère,
  • Madame Lily WAMPACH, greffière.

Dans l'affaire n° 00034 du registre, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle conformément à l'article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle introduite par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg suivant jugement civil n° 504/2005 du 30 novembre 2005 et parvenue à la Cour le 13 décembre 2005 dans la cause

Entre:

l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par le ministre d'Etat, ayant ses bureaux à L-2910 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation et pour autant que de besoin par le ministre des travaux publics, ayant ses bureaux à L-2450 Luxembourg, 4, boulevard Roosevelt,

et:

Madame Berthe LlNSTER, retraitée, demeurant à L-3333 Hellange, 11, route de Bettembourg, 2) Madame Yvonne LlNSTER, retraitée, demeurant à L-7565 Mersch, 28, rue E. Servais,




Sur le rapport du magistrat délégué et sur les conclusions déposées au greffe de la Cour pour et au nom de l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg par Maître Tonia FRIEDERS-SCHEIFER, assistée de Maître Patrick KINSCH, les deux avocats à la Cour supérieure de Justice,
et celles y déposées pour et au nom de Berthe LlNSTER et Yvonne LlNSTER par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour supérieure de Justice,
ayant entendu en leurs plaidoiries les mandataires des parties au procès principal à l'audience du 17 mars 2006,
rend le présent arrêt:

Considérant que le tribunal d'arrondissement de Luxembourg saisi par l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg d'une demande d'expropriation pour cause d'utilité publique contre les dames Berthe LINSTER et Yvonne LINSTER a posé à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante:

«Les articles 26, 27, 34 et 35 de la loi modifiée du 16 août 1967 ayant pour objet la création d'une grande voirie de communication et d'un fonds des routes, dans la mesure où ils prévoient les étapes de la procédure d'expropriation et d'indemnisation, et une chronologie des jugements à intervenir dès avant le paiement de l'indemnité d'expropriation, en ce qu'ils disposent que, dès son premier jugement, le tribunal constate l'accomplissement régulier des formalités de l'expropriation et fait droit à la requête en expropriation, que ce jugement est transcrit au registre du conservateur des hypothèques, et que ce n'est que dans son deuxième jugement que le tribunal détermine l'indemnité d'expropriation, tandis que le paiement de l'indemnité d'expropriation n'intervient que dans un troisième temps, après le jugement ayant d'ores et déjà fait droit à la requête en expropriation et après la transcription de ce jugement, sont-ils conformes à l'article 16 de la Constitution qui dispose: «Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité»?

Considérant que toute disposition légale permettant le transfert total ou partiel du droit de propriété avant le versement intégral de la juste indemnité est contraire à l'article 16 de la Constitution qui dispose que «Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique dans le cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité»;

Considérant que le jugement prévu à l'article 27 de la loi du 16 août 1967, faisant droit à la requête de l'expropriant opère le passage du fonds concerné du patrimoine de l'exproprié dans celui du requérant et que la transcription de cette décision sur le registre du conservateur des hypothèques rend le transfert opposable aux tiers;

Considérant que le même article 27 ne prévoit à titre d'indemnité qu'une simple avance provisionnelle quitte à voir fixer ultérieurement le dédommagement définitif sur base d'une évaluation par experts; que cette disposition légale n'est dès lors pas conforme à l'article 16 de la Constitution qui exige une indemnité juste et préalable; Considérant que les articles 34 et 35 de la loi du 16 août 1967 déterminant la procédure de l'indemnisation complète se déroulant après la privation de la propriété, doivent au même titre encourir la sanction de non-conformité à la Constitution;

Considérant cependant que l'article 26 de la loi du 16 août 1967, neutre par rapport au système irrégulier d'expropriation, n'est pas contraire à la Loi fondamentale;


Par ces motifs:

la Cour Constitutionnelle dit que les articles 27, 34 et 35 de la loi du 16 août 1967 ayant pour objet la création d'une grande voirie de communication et d'un fonds des routes ne sont pas conformes à l'article 16 de la Constitution;

dit que l'article 26 de la même loi n'y est pas contraire;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation; o r don n e que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal d'arrondissement de Luxembourg dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le président, Le greffier
Marc Thill Lily Wampach

Arrêt CCLUX 2404

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt no 24/04 du 03.12.2004

Numéro 00024 du registre.

Audience publique du vendredi, trois décembre deux mille quatre.

Composition:

  • Madame Marion Lanners, vice-présidente,
  • Monsieur Marc Schlungs, conseiller,
  • Madame Andrée Wantz, conseillère,
  • Monsieur Roland Schmit, conseiller,
  • Monsieur Jean-Mathias Goerens, conseiller
  • Madame Lily Wampach, greffier.

Entre:

L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE LUXEMBOURG, représenté par son bâtonnier actuellement en fonctions,
demandeur,
comparant par Maître Marc Thewes, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

et:

Maître Jos Stoffel, avocat à la Cour, demeurant à L-2018 Luxembourg, 8, rue Willy Goergen,
défendeur,
comparant par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg.


LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Ouï Madame la vice-présidente Marion Lanners en son rapport;

Vu l'arrêt de renvoi no 4/04 du Conseil disciplinaire et administratif d'appel des avocats contradictoirement rendu le 25 mai 2004;

Sur les conclusions de Jos Stoffel, avocat à la Cour, déposées le 14 juin 2004, les conclusions de l'Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg déposées le 18 juin 2004 et les conclusions additionnelles de Jos Stoffel déposées les 25 et 30 juin 2004;

Considérant que, dans le cadre d'une poursuite disciplinaire dirigée contre Maître Jos Stoffel, la Cour Constitutionnelle a été saisie par le conseil disciplinaire et administratif d'appel des ordres des avocats des questions préjudicielles suivantes:
«L'article 17, premier tiret, de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est-il conforme à l'article 14 de la Constitution?»
dans l'affirmative,
«L'article 27 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est-il conforme à l'article 14 de la Constitution?»

Sur la saisine de la Cour Constitutionnelle:

Considérant que, d'après le Conseil de l'Ordre, les juridictions disciplinaires instituées par la loi sur la profession d'avocat ne seraient pas concernées par l'article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle comme ne ressortissant ni à l'ordre judiciaire ni à l'ordre administratif;

Considérant que d'après l'article 95(ter) 2e alinéa de la Constitution, la Cour Constitutionnelle est saisie par toute juridiction des questions de conformité préjudicielles y visées;
Que dès lors l'exception d'irrecevabilité tirée de l'article 6 de la loi précitée du 27 juillet 1997 n'est pas fondée;

Quant à la première question:

Considérant que l'article 17, premier tiret, de la loi du 10 août 1991 sur la profession d'avocat énonce que «le Conseil de l'Ordre est chargé de veiller à la sauvegarde de l'honneur de l'Ordre, de maintenir les principes de dignité, de probité et de délicatesse qui forment la base de la profession d'avocat et les usages du barreau qui les consacrent»;

Considérant que l'article 14 de la Constitution aux termes duquel «nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi» ne saurait affecter ladite disposition légale énumérant une partie des attributions des Conseils de
l'Ordre parmi lesquelles ne figurent ni le pouvoir de l'établissement des peines ni celui de leur application;

Quant à la seconde question:
Considérant que l'article 27 de la loi précitée du 10 août 1991 est de la teneur suivante:
«(1) Le Conseil disciplinaire et administratif peut, suivant l'exigence des cas, prononcer les sanctions suivantes:
1) l'avertissement
2) la réprimande
2bis) (L.31 mai 1999) l'amende inférieure à 500 euros;
3) l'amende de 500 euros à 5.000 euros;
4) la suspension de l'exercice de la profession pour un terme qui ne peut excéder cinq ans;
5) l'interdiction à vie de l'exercice de la profession.
(2) La peine de la suspension peut être assortie du sursis pour tout ou partie de sa durée. Le bénéfice du sursis est perdu si le condamné fait l'objet d'une nouvelle peine de suspension pour un fait se situant dans les cinq ans du fait qui a donné lieu à la peine de suspension assortie du sursis.
(3) Le Conseil disciplinaire et administratif peut ordonner l'affichage aux lieux qu'il indique et la publication, totale ou partielle, de sa décision dans un ou plusieurs journaux ou périodiques aux frais du condamné.
(4) L'avocat suspendu ou interdit doit s'abstenir de tout acte de profession d'avocat au sens de l'article 2 paragraphes (1) et (2) à dater du jour où la décision est passée en force de chose jugée, à moins que le Conseil n'ait, par décision motivée, ordonné l'exécution provisoire de la décision ou fixé la date du début de l'exécution.
(5) (L. 18 août 1995) Le recours d'un avocat omis du tableau n'aura point d'effet suspensif, s'il n'en est autrement décidé par le conseil disciplinaire et administratif, saisi par lettre recommandée dans le délai de quarante jours à partir soit de la remise, soit de la signification, soit de l'envoi de la décision d'omission opérés selon l'un des modes prescrits à l'article 26(6).»

Considérant qu'en droit disciplinaire la légalité des peines suit les principes généraux du droit pénal et doit observer les mêmes exigences constitutionnelles de base;

Considérant que le principe de la légalité de la peine entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et de préciser le degré de répression pour en exclure l'arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la portée de ces dispositions; que le principe de la spécification est le corollaire de celui de la légalité de la peine consacrée par l'article 14 de la Constitution;

Considérant cependant que le droit disciplinaire tolère dans la formulation des comportements illicites et dans l'établissement des peines à encourir une marge d'indétermination sans que le principe de la spécification de l'incrimination et de la peine n'en soit affecté, si des critères logiques, techniques et d'expérience professionnelle permettent de prévoir avec une sûreté suffisante la conduite à sanctionner et la sévérité de la peine à appliquer;

Considérant que, sans préjudice d'autres textes légaux afférents, le chapitre V de la loi précitée du 10 août 1991 énumératif des droits et des devoirs des avocats est à mettre en rapport avec l'article 27 de la même loi en ce qu'il lui fournit l'élément d'incrimination requis par l'article 14 de la Constitution et le rend ainsi conforme à celle-ci.


Par ces motifs:

dit que l'article 17, premier tiret de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat n'est pas affecté par l'article 14 de la Constitution,

dit que l'article 27 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est conforme à l'article 14 de la Constitution,

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au Conseil disciplinaire et administratif d'appel des avocats du Grand-Duché de Luxembourg dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Marion Lanners, vice-présidente de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

La vice-présidente Le Greffier
Marion Lanners Lily Wampach

Arrêt CCLUX 2304

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt no 23/04 du 03.12.2004

Numéro 00023 du registre.

Audience publique du vendredi, trois décembre deux mille quatre.


Composition:

  • Madame Marion Lanners, vice-présidente,
  • Monsieur Marc Schlungs, conseiller,
  • Madame Andrée Wantz, conseillère,
  • Monsieur Roland Schmit, conseiller,
  • Monsieur Jean-Mathias Goerens, conseiller,
  • Madame Lily Wampach, greffier.
Entre:

L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE LUXEMBOURG, représenté par son bâtonnier actuellement en fonctions,
demandeur,
comparant par Maître Pierre Thielen, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

et:

Maître Gilles Plottke, avocat à la Cour, demeurant à L-1130 Luxembourg, 54, rue d'Anvers, défendeur, comparant par Maître Fernand Entringer, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg.


LA COUR CONSTITUTIONNELLE:

Ouï Madame la vice-présidente Marion Lanners en son rapport;

Vu l'arrêt de renvoi no 3/04 du Conseil disciplinaire et administratif d'appel des avocats contradictoirement rendu le 25 mai 2004;

Sur les conclusions de Gilles Plottke, avocat à la Cour, déposées le 22 juin 2004 et sur celles de l'Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg déposées le 28 juin 2004;

Considérant que, dans le cadre d'une poursuite disciplinaire dirigée contre Maître Gilles Plottke, la Cour Constitutionnelle a été saisie par le Conseil disciplinaire et administratif d'appel des ordres des avocats des questions préjudicielles suivantes:
«L'article 17, premier tiret, de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est-il conforme à l'article 14 de la Constitution?»
dans l'affirmative,
«L'article 27 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est il conforme à l'article 14 de la Constitution?»

Sur la saisine de la Cour Constitutionnelle:

Considérant que, d'après le Conseil de l'Ordre, les juridictions disciplinaires instituées par la loi sur la profession d'avocat ne seraient pas concernées par l'article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle comme ne ressortissant ni à l'ordre judiciaire ni à l'ordre administratif;

Considérant que d'après l'article 95(ter) 2e alinéa de la Constitution, la Cour Constitutionnelle est saisie par toute juridiction des questions de conformité préjudicielles y visées;
Que dès lors l'exception d'irrecevabilité tirée de l'article 6 de la loi précitée du 27 juillet 1997 n'est pas fondée;

Quant à la première question:

Considérant que l'article 17, premier tiret, de la loi du 10 août 1991 sur la profession d'avocat énonce que «le Conseil de l'Ordre est chargé de veiller à la sauvegarde de l'honneur de l'Ordre, de maintenir les principes de dignité, de probité et de délicatesse qui forment la base de la profession d'avocat et les usages du barreau qui les consacrent»;

Considérant que l'article 14 de la Constitution aux termes duquel «nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi» ne saurait affecter ladite disposition légale énumérant une partie des attributions des Conseils de
l'Ordre parmi lesquelles ne figurent ni le pouvoir de l'établissement des peines ni celui de leur application;

Quant à la seconde question:
Considérant que l'article 27 de la loi précitée du 10 août 1991 est de la teneur suivante:
«(1) Le Conseil disciplinaire et administratif peut, suivant l'exigence des cas, prononcer les sanctions suivantes:
1) l'avertissement
2) la réprimande
2bis) (L.31 mai 1999) l'amende inférieure à 500 euros;
3) l'amende de 500 euros à 5.000 euros;
4) la suspension de l'exercice de la profession pour un terme qui ne peut excéder cinq ans;
5) l'interdiction à vie de l'exercice de la profession.
(2) La peine de la suspension peut être assortie du sursis pour tout ou partie de sa durée. Le bénéfice du sursis est perdu si le condamné fait l'objet d'une nouvelle peine de suspension pour un fait se situant dans les cinq ans du fait qui a donné lieu à la peine de suspension assortie du sursis.
(3) Le Conseil disciplinaire et administratif peut ordonner l'affichage aux lieux qu'il indique et la publication, totale ou partielle, de sa décision dans un ou plusieurs journaux ou périodiques aux frais du condamné.
(4) L'avocat suspendu ou interdit doit s'abstenir de tout acte de profession d'avocat au sens de l'article 2 paragraphes (1) et (2) à dater du jour où la décision est passée en force de chose jugée, à moins que le Conseil n'ait, par décision motivée, ordonné l'exécution provisoire de la décision ou fixé la date du début de l'exécution.
(5) (L. 18 août 1995) Le recours d'un avocat omis du tableau n'aura point d'effet suspensif, s'il n'en est autrement décidé par le conseil disciplinaire et administratif, saisi par lettre recommandée dans le délai de quarante jours à partir soit de la remise, soit de la signification, soit de l'envoi de la décision d'omission opérés selon l'un des modes prescrits à l'article 26(6).»

Considérant qu'en droit disciplinaire la légalité des peines suit les principes généraux du droit pénal et doit observer les mêmes exigences constitutionnelles de base;

Considérant que le principe de la légalité de la peine entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et de préciser le degré de répression pour en exclure l'arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la portée de ces dispositions; que le principe de la spécification est le corollaire de celui de la légalité de la peine consacrée par l'article 14 de la Constitution;

Considérant cependant que le droit disciplinaire tolère dans la formulation des comportements illicites et dans l'établissement des peines à encourir une marge d'indétermination sans que le principe de la spécification de l'incrimination et de la peine n'en soit affecté, si des critères logiques, techniques et d'expérience professionnelle permettent de prévoir avec une sûreté suffisante la conduite à sanctionner et la sévérité de la peine à appliquer;

Considérant que, sans préjudice d'autres textes légaux afférents, le chapitre V de la loi précitée du 10 août 1991 énumératif des droits et des devoirs des avocats est à mettre en rapport avec l'article 27 de la même loi en ce qu'il lui fournit l'élément d'incrimination requis par l'article 14 de la Constitution et le rend ainsi conforme à celle-ci.


Par ces motifs:

dit que l'article 17, premier tiret de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat n'est pas affecté par l'article 14 de la Constitution,

dit que l'article 27 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est conforme à l'article 14 de la Constitution,

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au Conseil disciplinaire et administratif d'appel des avocats du Grand-Duché de Luxembourg dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Marion Lanners, vice-présidente de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

La vice-présidente Le Greffier
Marion Lanners Lily Wampach

Arrêt CCLUX 2204

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt no 22/04 du 18.06.2004

Numéro 00022 du registre.

Audience publique du vendredi, dix-huit juin deux mille quatre.


Composition:

  • Monsieur Marc THILL, président,
  • Madame Marion LANNERS, vice-présidente,
  • Monsieur Marc SCHLUNGS, conseiller,
  • Madame Léa MOUSEL, conseillère,
  • Monsieur Roland SCHMIT, conseiller,
  • Madame Lily WAMPACH, greffier.


Entre:

Madame Ute GUTH, animatrice dans les Foyers scolaires, demeurant à L-1326 Luxembourg, 18, rue Auguste Charles,
demanderesse,
comparant par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

et:

l'Administration Communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son bourgmestre actuellement en fonctions et pour autant que de besoin par son collège des bourgmestre et échevins en fonction, Hôtel de Ville, L-2090 Luxembourg,
défenderesse,
comparant par Maître Louis BERNS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE:

Ouï Madame le conseiller Léa MOUSEL en son rapport;

Vu le jugement de renvoi du tribunal administratif contradictoirement rendu le 19 janvier 2004;

Sur les conclusions de Ute GUTH déposées le 20 février et le 25 mars 2004 et sur les conclusions de l'administration communale de la Ville de Luxembourg déposées le 20 février et le 22 mars 2004;

Considérant que le tribunal administratif, saisi d'un recours contre le refus de la Ville de Luxembourg d'inscrire Ute GUTH sur les listes électorales établies en vue du renouvellement de la délégation des fonctionnaires et employés de la Ville de Luxembourg, a posé la question préjudicielle suivante:
«L'article 1er de la loi modifiée du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel et l'article 43, points 5 et 9, de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, combinés, sinon pris isolément, sont-ils conformes aux articles 10bis et 11(5) de la Constitution combinés, sinon pris individuellement?»;

Considérant que l'article 1er de la loi modifiée du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel est de la teneur suivante en son point 1:
« Tout employeur du secteur privé est tenu de faire désigner les délégués du personnel dans les établissements occupant régulièrement au moins 15 travailleurs liés par contrat de louage de services quelles que soient la nature de ses activités et sa forme juridique. Il en est de même pour tout employeur du secteur public occupant régulièrement au moins 15 ouvriers liés par contrat de
louage de services. »

Considérant que l'article 43 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux est conçu en ses points 5 et 9 comme suit:
« 5. Le nombre des membres des délégations du personnel est fixé en raison de l'effectif total des fonctionnaires dans chaque commune en service au premier janvier précédant l'élection des délégations.
a) les fonctionnaires en activité de service;
b) les fonctionnaires en service provisoire;
c) les vacances de poste telles qu'elles sont définies par la législation sur les traitements;
d) les employés bénéficiant du statut d'employé (ainsi modifié par la loi du 9 juin 1995) communal.
9. Sont électeurs tous les fonctionnaires, fonctionnaires en service provisoire et employés bénéficiant du statut d'employé communal en service auprès de la commune depuis au moins six mois au jour de l'élection.
Sont éligibles tous les fonctionnaires nommés à titre définitif âgés de plus de vingt et un ans et en service depuis plus d'une année auprès de la commune au jour de l'élection. Sont également éligibles les employés bénéficiant d'unstatut d'employé (ainsi modifié par la loi du 9 juin 1995) communal depuis plus de deux ans et âgés de vingt et un ans au jour de l'élection. »

Considérant que la Constitution stipule à l'article 10bis:
«1) Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.»
et à l'article 11:
«5) La loi ... garantit les libertés syndicales.»;

Considérant que la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, en ce qu'elle règle dans son article 43, points 5 et 9, la représentation des fonctionnaires et employés communaux sur la base de leur statut légal, est étrangère au problème de la non-représentation des employés privés engagés par la commune en vertu de contrats individuels, ces deux situations n'étant pas comparables;

Considérant que d'après l'économie de l'article premier de la loi du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel, les ouvriers liés par un contrat de louage de service à un employeur du secteur public peuvent prétendre à une représentation active et passive au sein de l'organisme public qui les emploie tandis que le texte est muet quant aux droits des salariés engagés en qualité d'employés privés dans le même secteur;

Considérant que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l'égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à la condition que la disparité soit objective, qu'elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but;

Considérant que les deux catégories de salariés, ouvriers et employés privés, se trouvent dans une situation comparable de dépendance et de subordination contractuelles;

Considérant que la seule disparité objective entre les salariés engagés en qualité d'ouvriers et les salariés engagés en qualité d'employés privés résidant dans la nature du travail à accomplir ne justifie pas rationnellement la différence de traitement au regard de la finalité de la loi du 18 mai 1979 telle qu'elle est exprimée en son article 10 et qui confère à la délégation du personnel une mission de sauvegarde et de défense tant générale que spécifique de ceux qu'elle représente;

Considérant dès lors que le législateur, en n'incluant pas dans l'effectif visé au deuxième alinéa de l'article 1er de la loi de 1979 les salariés engagés par un employeur du secteur public en qualité d'employés privés, a créé une inégalité, se heurtant à l'article 10bis de la Constitution;

Considérant qu'eu égard à la réponse à donner à la première branche de la question, il n'y a plus lieu d'examiner la

conformité de l'article 1er de la loi du 18 mai 1979 par rapport à l'article 11(5) de la Constitution;


Par ces motifs:

dit que l'article 1er de la loi du 18 mai 1979 sur les délégations du personnel, pris isolément, est non conforme, en son deuxième alinéa, à l'article 10bis de la Constitution, pris individuellement;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal administratif dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette
juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le président Le Greffier
Marc Thill Lily Wampach

Arrêt CCLUX 2104

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 21/04 du 18.06.2004

Numéro 00021 du registre.

Audience publique du vendredi, dix-huit juin deux mille quatre.


Composition:

  • Monsieur Marc THILL, président,
  • Madame Marion LANNERS, vice-présidente,
  • Monsieur Marc SCHLUNGS, conseiller,
  • Madame Léa MOUSEL, conseillère,
  • Monsieur Roland SCHMIT, conseiller,
  • Madame Lily WAMPACH, greffier.

Entre:

Madame Valerija BERDI, chargée de cours, demeurant à L-1263 Luxembourg, 8, rue Aristide Briand,
demanderesse,
comparant par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

et:
l'Administration Communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son bourgmestre actuellement en fonctions et pour autant que de besoin par son collège des bourgmestre et échevins en fonction, Hôtel de Ville, L-2090 Luxembourg,
défenderesse,
comparant par Maître Louis BERNS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE:

Ouï Madame le conseiller Léa MOUSEL en son rapport;
Vu le jugement de renvoi du tribunal administratif contradictoirement rendu le 19 janvier 2004;

Sur les conclusions de Valerija BERDI déposées le 20 février et le 25 mars 2004 et sur les conclusions de l'administration communale de la Ville de Luxembourg déposées le 20 février et le 22 mars 2004;

Considérant que le tribunal administratif, saisi d'un recours contre le refus de la Ville de Luxembourg d'inscrire Valerija BERDI sur les listes électorales établies en vue du renouvellement de la délégation des fonctionnaires et employés de la Ville de Luxembourg, a posé la question préjudicielle suivante:
«L'article 1er de la loi modifiée du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel et l'article 43, points 5 et 9, de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, combinés, sinon pris isolément, sont-ils conformes aux articles 10bis et 11(5) de la Constitution combinés, sinon pris individuellement?»;

Considérant que l'article 1er de la loi modifiée du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel est de la teneur suivante en son point 1: «Tout employeur du secteur privé est tenu de faire désigner les délégués du personnel dans les établissements occupant régulièrement au moins 15 travailleurs liés par contrat de louage de services quelles que soient la nature de ses activités et sa forme juridique. Il en est de même pour tout employeur du secteur public occupant régulièrement au moins 15 ouvriers liés par contrat de louage de services.»

Considérant que l'article 43 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux est conçu en ses points 5 et 9 comme suit:
«5. Le nombre des membres des délégations du personnel est fixé en raison de l'effectif total des fonctionnaires dans chaque commune en service au premier janvier précédant l'élection des délégations.
a) les fonctionnaires en activité de service;
b) les fonctionnaires en service provisoire;
c) les vacances de poste telles qu'elles sont définies par la législation sur les traitements;
d) les employés bénéficiant du statut d'employé (ainsi modifié par la loi du 9 juin 1995) communal.
9. Sont électeurs tous les fonctionnaires, fonctionnaires en service provisoire et employés bénéficiant du statut d'employé
communal en service auprès de la commune depuis au moins six mois au jour de l'élection. Sont éligibles tous les fonctionnaires nommés à titre définitif âgés de plus de vingt et un ans et en service depuis plus d'une année auprès de la commune au jour de l'élection. Sont également éligibles les employés bénéficiant d'un statut d'employé (ainsi modifié par la loi du 9 juin 1995) communal depuis plus de deux ans et âgés de vingt et un ans au jour de l'élection.»

Considérant que la Constitution stipule à l'article 10bis:
«1) Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.»
et à l'article 11:
«5) La loi ... garantit les libertés syndicales.»;

Considérant que la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, en ce qu'elle règle dans son article 43, points 5 et 9, la représentation des fonctionnaires et employés communaux sur la base de leur statut légal, est étrangère au problème de la non-représentation des employés privés engagés par la commune en vertu de contrats individuels, ces deux situations n'étant pas comparables;

Considérant que d'après l'économie de l'article premier de la loi du 18 mai 1979 portant réforme des délegations du personnel, les ouvriers liés par un contrat de louage de service à un employeur du secteur public peuvent prétendre à une représentation active et passive au sein de l'organisme public qui les emploie tandis que le texte est muet quant aux droits des salariés engagés en qualité d'employés privés dans le même secteur;

Considérant que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l'égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à la condition que la disparité soit objective, qu'elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but;

Considérant que les deux catégories de salariés, ouvriers et employés privés, se trouvent dans une situation comparable de dépendance et de subordination contractuelles;

Considérant que la seule disparité objective entre les salariés engagés en qualité d'ouvriers et les salariés engagés en qualité d'employés privés résidant dans la nature du travail à accomplir ne justifie pas rationnellement la différence de traitement au regard de la finalité de la loi du 18 mai 1979 telle qu'elle est exprimée en son article 10 et qui confère à la délégation du personnel une mission de sauvegarde et de défense tant générale que spécifique de ceux qu'elle représente;

Considérant dès lors que le législateur, en n'incluant pas dans l'effectif visé au deuxième alinéa de l'article 1er de la loi de 1979 les salariés engagés par un employeur du secteur public en qualité d'employés privés, a créé une inégalité, se heurtant à l'article 10bis de la Constitution;

Considérant qu'eu égard à la réponse à donner à la première branche de la question, il n'y a plus lieu d'examiner la conformité de l'article 1er de la loi du 18 mai 1979 par rapport à l'article 11(5) de la Constitution;


Par ces motifs:

dit que l'article 1er de la loi du 18 mai 1979 sur les délégations du personnel, pris isolément, est non conforme, en son deuxième alinéa, à l'article 10bis de la Constitution, pris individuellement;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal administratif dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette
juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le president Le Greffier
Marc Thill Lily Wampach

Arrêt CCLUX 2004

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 20/04 du 28 mai 2004

Numéro 00020 du registre.

Audience publique du vendredi, vingt-huit mai deux mille quatre.


Composition:

  • Madame Marion LANNERS, vice-présidente,
  • Monsieur Jean JENTGEN, conseiller,
  • Madame Marie-Paule ENGEL, conseillère,
  • Madame Andrée WANTZ, conseillère,
  • Monsieur Jean-Mathias GOERENS, conseiller,
  • Madame Lily WAMPACH, greffier.


I) Entre

1) Clarinda LOPES FERREIRA, ouvrière, et son époux
2) Jorge Manuel MOREIRA SALTA, ouvrier, les deux demeurant à L-4718 PETANGE, 11, rue des Champs,
demandeurs,
comparant par Maître Fernando DIAS SOBRAL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

et

1) la société à responsabilité limitée KRONOSPAN SANEM Ltd et Cie, représentée par son gérant actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social au Parc d'Activité Pasewee à SANEM,
défenderesse,
comparant par Maître Louis BERNS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

2) l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, représentée par son président, établie à L-2976 Luxembourg, 125, rte d'Esch, défenderesse,
défaillante,

3) la société Jean LAMESCH-EXPLOITATION SA, établie et ayant son siège social à L-3225 BETTEMBOURG, ZI Volser-Nord, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, inscrite au RC de Luxembourg no B 23.555,
défenderesse,
défaillante,

II) Entre

1) Clarinda LOPES FERREIRA, ouvrière, et son époux
2) Jorge Manuel MOREIRA SALTA, ouvrier, les deux demeurant à L-4718 PETANGE, 11, rue des Champs,
demandeurs,
comparant par Maître Fernando DIAS SOBRAL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

et

la société SECS KRONOSPAN SANEM Ltd et Cie, représentée par son gérant actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social au Parc d'Activité Pasewee à SANEM,inscrite au registre de commerce de Luxembourg sous le numéro B 46.575,
défenderesse,
comparant par Maître Louis BERNS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Vu le jugement no 285/03 rendu le 30 octobre 2003 par le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, onzième chambre, siégeant en matière civile,

Ouï le conseiller Jean-Mathias GOERENS en son rapport et sur les conclusions de la société en commandite simple KRONOSPAN SANEM Ltd et Cie déposées le 10 décembre 2003 et sur celles déposées par les époux Clarinda LOPES FERREIRA Jorge Manuel MOREIRA SALTA le 14 janvier 2004;

Considérant que le tribunal d'arrondissement de Luxembourg a soumis à la Cour Constitutionnelle les questions préjudicielles suivantes:
«1. l'article 115 du code des assurances sociales disposant que certaines personnes «ne peuvent, en raison de l'accident, agir judiciairement en dommages intérêts», est-il conforme à la Constitution et notamment à ses articles 11 alinéa 3,12 et 16?

2. l'article 115 du code des assurances sociales en excluant «les personnes visées aux articles 85, 86 et 90, (...) même s'ils n'ont aucun droit à prestation,» de la réparation intégrale selon le droit commun qui est accordée à toute autre victime d'un accident, est-il contraire à la Constitution et notamment à son article 10 bis?

3. l'article 115 du code des assurances sociales en excluant «leurs ayants droit (...), même s'ils n'ont aucun droit à prestation» de la réparation intégrale selon le droit commun qui est accordée à toute autre victime directe ou par ricochet d'un accident, est-il contraire à la Constitution et notamment à son article 10 bis?

4. l'article 115 du code des assurances sociales en n'accordant un droit de recours à la victime qu'en cas d'accident provoqué intentionnellement, alors que l'article 116 du même code accorde à l'Association des assurances contre les accidents un droit de recours à l'égard des mêmes personnes responsables en cas d'accident provoqué tant intentionnellement que par simple négligence, est-il contraire à la Constitution et notamment en son article 10 bis?»

Considérant que l'article 115 du Code des assurances sociales est libellé comme suit: «Les personnes visées aux articles 85, 86 et 90, leurs ayants droit et leurs héritiers, même s'ils n'ont aucun droit à prestation, ne peuvent, en raison de l'accident, agir judiciairement en dommages intérêts contre leur employeur ou la personne pour compte de laquelle ils exercent une activité, ni dans le cas d'un travail connexe ou d'un travail non connexe exercé en même temps et sur le même lieu, contre tout autre employeur ou toute autre personne visée aux articles précités, à moins qu'un jugement pénal n'ait déclaré les défendeurs coupables d'avoir provoqué intentionnellement l'accident.»

En ce qui concerne la 1 re question quant à la conformité de l'article 115 du Code des assurances sociales avec l'article 11(3) de la Constitution

Considérant que l'article 11(3) de la Constitution porte que «l'Etat garantit les droits naturels de la personne humaine et de la famille»;

Considérant que le droit naturel se restreint aux questions existentielles de l'être humain, au respect de sa dignité et de sa liberté;

Considérant que l'article 115 du Code des assurances sociales, refusant à une catégorie de personne d'agir conformément au droit commun, constitue une disposition de droit positif qui fait partie d'un ensemble de dispositions
réglant le fonctionnement de l'institution des assurances sociales et ne concerne dès lors pas les droits naturels de la personne humaine et de la famille;

Qu'il en résulte que l'article 115 du Code des assurances sociales n'est pas contraire à l'article 11(3) de la Constitution.

En ce qui concerne la première question quant à la conformité de l'article 115 du Code des assurances sociales avec l'article 12 de la Constitution

Considérant que l'article 12 de la Constitution dispose que: «La liberté individuelle est garantie. - Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. - Nul ne peut être arrêté ou placé que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. - Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures. - Toute personne doit être informée sans délai des moyens de recours légaux dont elle dispose pour recouvrer sa liberté.»;

Considérant que la notion de liberté individuelle telle que définie au texte constitutionnel invoqué vise la liberté physique d'aller et de venir et les entraves qui peuvent y être apportées dans le cadre de poursuites judiciaires;

Que l'article 115 du Code des assurances sociales n'est pas concerné par les dispositions de l'article 12 de la Constitution;

Qu'il en résulte que l'article 115 du Code des assurances sociales n'est pas contraire à l'article 12 de la Constitution;

En ce qui concerne la première question quant à la conformité de l'article 115 du Code des assurances sociales à l'article 16 de la Constitution

Considérant que l'article 16 de la Constitution dispose ce qui suit: «Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité.»;

Considérant que l'article 16 pose d'une part le principe que le propriétaire ne peut être privé du droit qu'il a sur sa propriété et énonce d'autre part la seule exception à ce principe, à savoir la privation de la propriété pour cause d'utilité publique dans les conditions prévues par une loi et moyennant une juste et préalable indemnité,

Considérant que, pour autant que la notion de propriété s'applique à des droits personnels tels qu'une créance indemnitaire, encore faudrait-il que la créance soit effectivement née dans le chef de la personne qui s'en réclame;

Que l'article 115 du Code des assurances sociales qui s'oppose à la naissance de la créance indemnitaire n'est pas contraire à l'article 16 de la Constitution,

Quant à la deuxième question:

Considérant que la question telle qu'elle est posée part d'une lecture erronée du texte, les mots «même s'ils n'ont aucun droit à prestation» ne visant pas les assurés eux-mêmes;

Que la question se lit donc comme suit: «l'article 115 du Code des assurances sociales en excluant» les personnes visées aux articles 85, 86 et 90 «de la réparation intégrale selon le droit commun qui est accordée à toute autre victime d'un accident, est-il contraire à la Constitution et notamment à son article 10bis?»;

Considérant que l'article 10 bis de la Constitution dispose en son numéro (1), seule disposition de l'article susceptible d'être visée par la question, que «les Luxembourgeois sont égaux devant la loi»;

Considérant que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l'égalité soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu'elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but;

Considérant que l'assurance contre les accidents, dont le but principal est d'assurer la subsistance de la victime d'un accident de travail et celle de sa famille, garantit aux bénéficiaires une indemnisation forfaitaire tout en les excluant du droit d'agir en réparation de leur préjudice selon le droit commun;
Considérant que le critère de distinction entre les personnes visées aux articles 85, 86 et 90 du Code des assurances sociales victimes d'accidents de travail d'une part et les victimes d'accidents de droit commun d'autre part est objectif et pertinent par rapport au système d'indemnisation en matière d'accidents professionnels;

Considérant que la limitation du droit d'agir prévue par l'article 115 du Code des assurances sociales s'explique par une réglementation s'écartant du droit commun basée non plus sur la notion de faute, mais sur celle de risque professionnel et sur une répartition de ce risque entre l'employeur et la victime de l'accident du travail, l'assuré bénéficiant des prestations statutaires de l'Association d'Assurance contre les Accidents même en l'absence de responsabilité dans le chef de l'«auteur de l'accident» et même en cas de faute dans son chef;

Que cette limitation permet le fonctionnement même du système d'indemnisation forfaitaire et automatique et contribue au maintien de la paix sociale dans les entreprises, que ce soit dans les relations entre travailleurs et assimilés ou, le cas échéant, dans les relations entre ces mêmes personnes et leurs employeurs;

Que cette différence de traitement est rationnellement justifiée;

Que la limitation du droit d'agir qui constitue la contribution de l'assuré victime au fonctionnement de ce système d'indemnisation est adéquate;

Que de même il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les objectifs poursuivis et la différenciation établie, les victimes d'accidents de travail étant indemnisées en dehors de toute considération de faute et dispensées de rapporter la preuve de la responsabilité de l'auteur de l'accident, ceci d'autant plus que la limitation ne s'applique pas au cas où un jugement pénal constate une faute intentionnelle dans le chef de cet auteur;

Qu'il en résulte que, pour autant qu'il se rapporte aux victimes directes visées par les articles 85, 86 et 90 du Code des assurances sociales, l'article 115 du même code n'est pas contraire à l'article 10bis (1) de la Constitution;

Quant à la troisième question

Considérant que la 3e question vise la situation des ayants droit de la victime de l'accident qui, aux termes de l'article 115 du Code des assurances sociales, se trouvent exclus de la réparation suivant le droit commun, même s'ils n'ont aucun droit à prestation;

Considérant que constituent des ayants droit au sens de cette disposition toutes personnes autres que l'assuré susceptibles de bénéficier à un titre quelconque d'une prestation de la part de l'Association d'Assurance contre les Accidents;

Considérant que ces personnes, dans la mesure où elles remplissent les conditions pour bénéficier de prestations du chef d'un accident de travail, se trouvent dans une situation analogue à celle de l'assuré, de sorte que, pour les motifs retenus à l'appui de la réponse à la deuxième question, concernant ces personnes, l'article 115 du Code des assurances sociales n'est pas contraire à l'article 10bis(1) de la Constitution;

Considérant par contre que l'article 115 du Code des assurances sociales, dans la mesure où il concerne les ayants droit qui n'ont aucun droit à prestation, porte atteinte au principe d'égalité devant la loi consacré par le texte constitutionnel dont il s'agit,

Qu'en effet il n'y a pas de justification objective de refuser le recours selon le droit commun à un ayant droit de la victime écarté du système d'indemnisation des accidents de travail;
Que dès lors, dans la mesure où il exclut du recours de droit commun les ayants droit de la victime qui n'ont aucun droit à prestation, l'article 115 du Code des assurances sociales est contraire à l'article 10bis(1) de la Constitution;

Quant à la quatrième question:

Considérant que l'Association d'Assurance contre les Accidents, à laquelle revient aux termes de l'article 116 du Code des assurances sociales un droit de recours contre les personnes déclarées par un jugement pénal coupables d'avoir provoqué l'accident, et les victimes d'accidents de travail ne sont pas dans une situation comparable;
Qu'elles constituent des entités différentes et que les dispositions qui leur sont applicables ne tendent pas à la meme fin;
Qu'en instituant dès lors quant aux victimes de ces accidents un régime différent de celui régissant les droits de l'Association d'Assurance contre les Accidents, l'article 115 du Code des assurances sociales ne contrevient pas à
l'article 10 bis de la Constitution;


Par ces motifs

Sur le rapport de son conseiller et après avoir entendu les mandataires des parties qui ont comparu;

Statuant sur les questions à elle soumises par jugement rendu le 30 octobre 2003 par le tribunal d'arrondissementde et à Luxembourg;

Sur la 1ère question:
Dit que l'article 115 du Code des assurances sociales n'est pas contraire aux articles 11 al 3, 12 et 16 de la Constitution,

Sur la 2e question:
Dit que le même article, en ce qu'il vise les personnes désignées aux articles 85, 86 et 90 du même code, n'est pas contraire à l'article 10bis(1) de la Constitution,

Sur la 3e question:
Dit que dans la mesure où il exclut du recours de droit commun les ayants droit de la victime d'un accident de travail qui n'ont, aux termes du code, aucun droit à prestation, l'article 115 du Code des assurances sociales est contraire à l'article 10bis(1) de la Constitution,

Sur la 4e question:
Dit qu'en instituant en ce qui concerne le droit de recours de la victime d'un accident de travail un régime différent de celui régissant le droit de recours de l'Association d'Assurance contre les Accidents, l'article 115 du Code
d'assurances sociales n'est pas contraire à l'article 10bis(1) de la Constitution;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Marion LANNERS, vice-présidente de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

La Vice-Présidente, Le Greffier
Marion Lanners Lily Wampach

Arrêt CCLUX 1904

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 19/04 du 30 janvier 2004

Numéro 00019 du registre.

Audience publique du vendredi, trente janvier deux mille quatre.


Composition:
  • Monsieur Marc Thill, président,
  • Madame Marion Lanners, vice-présidente,
  • Monsieur Marc Schlungs, conseiller,
  • Madame Marie-Paule Engel, conseillère,
  • Madame Léa Mousel, conseillère,
  • Madame Lily Wampach, greffier.


Entre:

1) l'association momentanée TRACOL S.A. - CLEMENS MEERFELD e.K. - KÖLNER MARMORWERKE GmbH - GRANIT - MARMORWERKE ENGELHARDT, établie à L-2177 Luxembourg,
10, rue Nic Majerus, représentée
par son mandataire sub 2) sinon subsidiairement par tous ses associés énumérés ci-dessous sub 2) à 5)

2) la société anonyme TRACOL S.A., établie et ayant son siège social à L-2177 Luxembourg, 10, rue Nic Majerus, inscrite au registre de commerce du Luxembourg sous le n° B 14.875, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de mandataire de la prédite association momentanée comme encore en sa qualité d'associé de cette dernière,

3) Monsieur Clemens Meerfeld e.K., entrepreneur, demeurant à D-54570 Wallenborn, 3, Tuchwiese, inscrit au registre de commerce sous le n° 10HRA1379,

4) la société à responsabilité limitée de droit allemand KÖLNER MARMORWERKE GmbH, établie et ayant son siège social à D-51069 Cologne, Bergisch Gladbacherstrasse n° 1067-1069, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce sous le n° B 1.094,

5) la société à responsabilité limitée de droit allemand GRANIT + MARMORWERKE ENGELHARDT GmbH, établie et ayant son siège social à D-86650 Wemding, 1 Harburger Strasse, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce sous le n° B 11.458,
demanderesses,
comparant par Maître Gerry Osch, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

et:

l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son Ministre d'Etat à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation,
défendeur,
comparant par Maître Patrick Kinsch, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Vu le jugement rendu le 26 juin 2003 par le tribunal administratif et transmis le 30 juin 2003 au greffe de la Cour Constitutionnelle;

Ouï Monsieur le conseiller Marc Schlungs en son rapport et sur les conclusions de l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg (désigné ci-après ETAT) déposées le 28 juillet 2003 au greffe de la Cour Constitutionnelle;

Vu les conclusions déposées le 28 juillet 2003 au greffe de la Cour Constitutionnelle par Maître Patrick Kinsch pour et au nom de l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg;

Vu les conclusions déposées le 2 octobre 2003 au greffe de la Cour par Maître Gerry Osch pour et au nom des membres de l'association momentanée TRACOL S.A. - CLEMENS MEERFELD e.K. - KÖLNER MARMORWERKE GmbH - GRANIT - MARMORWERKE ENGELHARDT lesquelles peuvent être prises en considération eu égard à la finalité des dispositions de l'article 10 alinéa 3 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle telle qu'elle se dégage de l'avis du Conseil d'Etat et du rapport de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle (Doc. parl. 42186 p. 7 et 42189 p. 12)

Ecartant pour cause de tardiveté les conclusions additionnelles déposées au greffe de la Cour les 7 novembre et 2 décembre 2003 par les mandataires respectifs prédésignés;

Considérant que le tribunal administratif, après s'être déclaré compétent pour connaître d'un recours en annulation introduit par TRACOL pour autant qu'il vise le volet d'un arrêté ministériel du 6 juin 2002 portant exclusion de TRACOL pour la durée de six mois de la participation aux marchés publics initiés par L'ETAT, avant de statuer sur les moyens de nullité invoqués par les demandeurs contre ladite décision a soumis à la Cour Constitutionnelle les questions principale et ampliative suivantes:
«Est-ce que l'article 14 de la Constitution, consacrant le principe de la légalité tant au regard de l'existence que de celui du taux de sévérité des peines, s'applique aussi aux sanctions prévues par l'article 36,5° de la loi du 27 juillet 1936 concernant la comptabilité de l'Etat ?»
et en cas de réponse affirmative, sur la question additionnelle:
«Est-ce que l'article 36,5° de la loi précitée du 27 juillet 1936 est conforme à l'article 14 de la Constitution en ce qu'il édicte une sanction sans prévoir de durée maximum ?»

Considérant que l'article 14 de la Constitution énonce que «nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi»;

Considérant que l'article 36, 5° de la loi modifiée du 27 juillet 1936 concernant la comptabilité de l'Etat dispose que «Les cahiers des charges peuvent avoir des clauses pénales adaptées à la nature et à l'importance des marchés. Ces clauses peuvent comprendre des amendes et des astreintes, la résiliation du marché ainsi que l'exclusion à temps de la participation aux marchés publics. Au même titre des primes d'achèvement des travaux avant terme peuvent être prévues.»

Considérant que les clauses pénales sont des accords sur des indemnisations forfaitaires en cas d'inexécution d'obligations principales; qu'exprimées sous forme d'astreinte ou d'amende conventionnelle, elles sont de nature purement civile et ne constituent pas des peines au sens de l'article 14 de la Constitution;

Considérant que la résiliation du marché n'est pas une pénalité en soi mais une décision de rupture des liens contractuels entre parties;

Considérant par contre que l'exclusion même à temps de la participation aux marchés publics n'est pas un mode de réparation du préjudice subi par l'inobservation des conditions du cahier des charges mais une peine au sens de l'article 14 de la Constitution qui est dès lors quant à cette mesure applicable à l'article 36,5° de la loi précitée;

Considérant qu'une telle peine ne peut faire l'objet d'un engagement contractuel mais doit être établie par la loi; qu'il s'ensuit que l'article 36,5° de la loi modifiée du 27 juillet 1936 concernant la comptabilité de l'Etat prévoyant, par le biais de cahiers des charges, l'exclusion de la participation aux marchés publics est à déclarer non-conforme à l'article 14 de la Constitution sans qu'il ne soit besoin de répondre à la question additionnelle;


Par ces motifs:

dit que l'article 36,5° de la loi modifiée du 27 juillet 1936 concernant la comptabilité de l'Etat, pour autant qu'il vise l'exclusion de la participation aux marchés publics, n'est pas conforme à l'article 14 de la Constitution;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal administratif dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Marc Thill, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le Président Le Greffier
Marc Thill Lily Wampach

Arrêt CCLUX 1803

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt no 18/03 du 21.11.2003

Numéro 00018 du registre

Audience publique du vendredi, vingt-et-un novembre deux mille trois.


Composition:

  • Monsieur Marc THILL, président,
  • Monsieur Georges KILL, vice-président,
  • Monsieur Jean JENTGEN, conseiller,
  • Madame Andrée WANTZ, conseillère,
  • Monsieur Roland SCHMIT, conseiller,
  • Madame Lily WAMPACH, greffier.

ENTRE:

Madame Eliane GELHAUSEN, infirmière libérale, demeurant à L-8399 WINDHOF, 7, route de Koerich,
demanderesse,
comparant par Maître Marc MODERT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

ET

l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son Ministre d'Etat à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation,
défendeur,
comparant par Monsieur Guy SCHLEDER, délégué du Gouvernement, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE:

Vu le jugement rendu le 22 avril 2003 par le tribunal administratif et transmis au greffe de la Cour Constitutionnelle le 25 avril 2003;

Ouï le conseiller Roland SCHMIT en son rapport et sur les conclusions de Eliane GELHAUSEN déposées le 28 mai 2003 et sur celles déposées le même jour par l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg;

Saisi par Eliane GELHAUSEN, infirmière libérale, d'une requête en annulation du règlement grand-ducal du 25 juillet 2002 portant sur l'exercice de la profession d'aide-soignant, le tribunal administratif, par jugement rendu le 22 avril 2003, a saisi la Cour Constitutionnelle de la question préjudicielle suivante:
«Les dispositions combinées des articles 1er et 7 de la loi modifiée du 26 mars 1992 sur l'exercice et la revalorisation de certaines professions de santé sont-elles conformes aux paragraphes (5) et (6) de l'article 11 et à l'article 36 de la Constitution combinés, sinon pris individuellement?»

Considérant que la question indique avec précision les dispositions législatives et constitutionnelles sur lesquelles elle porte;

Considérant que l'article 11 de la Constitution en ses passages pertinents, énonce au paragraphe (5) que «la loi organise (...) la protection de la santé (...)» et au paragraphe (6) que «la loi garantit (...) l'exercice de la profession libérale (...) sauf les restrictions à établir par le pouvoir législatif» et que l'article 36 dispose que «Le Grand-Duc fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois, sans jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution»;

Considérant que la loi du 26 mars 1992 sur l'exercice et la revalorisation de certaines professions de santé, après avoir en son article premier énuméré les professions auxquelles elle s'applique - dont celle d'infirmière exercée par la requérante et celle d'aide-soignant visée par le règlement attaqué du 25 juillet 2002 - dispose en son article 7 sous l'intitulé «Statuts et attributions de ces professions» qu' «un règlement grand-ducal détermine le statut, les attributions et les règles d'exercice de ces professions»;

Considérant que le système des réserves de la loi énoncé par la Constitution empêche le pouvoir législatif de se dessaisir outre mesure de ses pouvoirs par la voie de l'habilitation; que ce pouvoir peut donc seul disposer valablement des matières érigées en réserve; qu'est toutefois satisfait à la réserve constitutionnelle si la loi se borne à tracer les grands principes: elle ne met par conséquent pas obstacle aux habilitations plus spécifiques;

Considérant que la loi du 26 mars 1992 sur l'exercice et la revalorisation de certaines professions de santé, après avoir désigné en son article 1er les professions de santé concernées, précise en son article 2 les critères généraux auxquels se trouve soumis l'autorisation d'accès à ces professions et fixe en ses articles 5, 6 et 8 à 15 les conditions communes liées à l'exercice de ces professions;

qu'ainsi le législateur, sans violer le principe constitutionnel du domaine réservé, a pu habiliter en son article 7 le pouvoir réglementaire à préciser le statut, les attributions et les règles d'exercice de chacune des différentes professions de santé visées par ladite loi.


Par ces motifs:

dit que les articles 1er et 7 de la loi du 26 mars 1992 sur l'exercice et la revalorisation de certaines professions de santé ne sont pas contraires aux articles 11(5) et (6) et 36 de la Constitution;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal administratif dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous, Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le président, Le greffier,
Marc Thill Lily Wampach

Arrêt CCLUX 1703

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 17/03 du 07.03.2003

Numéro 00017 du registre.

Audience publique du vendredi, sept mars deux mille trois.

Composition:
  • Monsieur Georges KILL, vice-président,
  • Monsieur Marc SCHLUNGS, conseiller,
  • Monsieur Jean JENTGEN, conseiller,
  • Madame Marie-Paule ENGEL, conseillère,
  • Monsieur Roland SCHMIT, conseiller,
  • Madame Lily WAMPACH, greffier.

ENTRE
  1. Maître Gaston VOGEL, demeurant à L-1660 Luxembourg, 74, Grand-Rue,
  2. Maître Anne-Marie VOGEL, demeurant à L-1660 Luxembourg, 74, Grand-Rue,
  3. Maître Ferdinand BURG, demeurant à L-1660 Luxembourg, 74, Grand-Rue,
  4. Maître Paul TRIERWEILER, demeurant à L-1660 Luxembourg, 74, Grand-Rue,
  5. Maître Joëlle CHRISTEN, demeurant à L-1660 Luxembourg, 74, Grand-Rue,
  6. Maître Roy REDING, demeurant à L-1258 Luxembourg, 2, rue J.-P. Brasseur,
  7. Maître Bernard FELTEN, demeurant à L-1258 Luxembourg, 2, rue J.-P. Brasseur,
  8. Maître Isabelle GIRAULT, demeurant à L-1258 Luxembourg, 2, rue J.-P. Brasseur,
  9. Maître Daniel SCHWARZ, demeurant à L-1258 Luxembourg, 2, rue J.-P. Brasseur,
  10. Maître Miguel ANDREU, demeurant à L-1258 Luxembourg, 2, rue J.-P. Brasseur,
  11. Maître Réguia AMIALI, demeurant à L-1258 Luxembourg, 2, rue J.-P. Brasseur,
  12. Maître Yamina NOURA, demeurant à L-1258 Luxembourg, 2, rue J.-P. Brasseur,
  13. Maître Emmanuelle ADAM, demeurant à L-1258 Luxembourg, 2, rue J.-P. Brasseur,
  14. Maître Lydie LORANG, demeurant à L-1325 Luxembourg, 3, rue de la Chapelle,
  15. Maître Jean-Paul RIPPINGER, demeurant à L-1660 Luxembourg, 74, Grand-Rue,
  16. Maître Laurent NIEDNER, demeurant à L-1660 Luxembourg, 74, Grand-Rue,
  17. Maître Véronique ACHENNE, demeurant à L-1660 Luxembourg, 74, Grand-Rue,
  18. Maître Jos STOFFEL, demeurant à L-1636 Luxembourg, 8, rue Willy Goergen,
  19. Maître Nicky STOFFEL, demeurant à L-1636 Luxembourg, 8, rue Willy Goergen,
  20. Maître Claude WASSENICH, demeurant à L-2134 Luxembourg, 54, rue Charles Martel,
  21. Maître Marie-Pierre BEZZINA, demeurant à L-2134 Luxembourg, 54, rue Charles Martel,
tous avocats à la Cour inscrits au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg,
comparant par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,
demandeurs,

ET

  1. l'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE LUXEMBOURG,
défendeur,
comparant par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

EN PRESENCE DE Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, demeurant à L-1130 Luxembourg, 54 rue d'Anvers,
intervenant volontaire,
comparant par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Vu le jugement rendu le 7 octobre 2002 par le tribunal administratif et transmis au greffe de la Cour
Constitutionnelle le 9 octobre 2002.

Ouï le vice-président Georges KILL en son rapport et sur les conclusions déposées le 11 novembre 2002 par Maître Gaston VOGEL et consorts et sur celles déposées par l'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE LUXEMBOURG en date des 8 novembre 2002 et 10 décembre 2002.

Considérant que dans le cadre d'un recours en annulation exercé par Maître Gaston VOGEL et 20 consorts contre le règlement du conseil de l'ordre des avocats à Luxembourg du 19 décembre 2001 intitulé «Règlement sur la formation permanente» le Tribunal administratif a demandé à la Cour Constitutionnelle de se prononcer sur la question préjudicielle suivante:

«L'article 19 de la loi modifiée (du 10 août 1991) sur la profession d'avocat est-il conforme à l'article
36 de la Constitution?»

Considérant que par requête déposée au greffe de la Cour Constitutionnelle le 3 janvier 2003 Maître Gilles PLOTTKE a déclaré intervenir volontairement dans la procédure pendante;

Considérant que l'alinéa (2) de l'article 95ter de la Constitution réserve aux juridictions le droit de saisir à titre préjudiciel la Cour Constitutionnelle suivant les modalités à établir par la loi;

Que ni la Constitution, ni la loi du 27 juillet 1997 portant organisation d'une Cour Constitutionnelle ne prévoient la saisine directe de la Cour par une partie, fût-ce à titre d'intervention;
Que l'intervention volontaire de Maître Gilles PLOTTKE est partant à écarter comme non recevable;

Considérant que l'article 36 de la Constitution dispose que «Le Grand-Duc fait les règlements et arrêtés necessaries pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution»;

Considérant que l'article 19 de la loi modifiée du 10 août 1991 dispose que le conseil de l'ordre peut arrêter des règlements d'ordre intérieur qui déterminent les règles professionnelles, relatives notamment:
1. à la déontologie entre avocats et à l'égard des clients et des tiers;
2. au secret professionnel;
3. aux honoraires et frais;
4. à l'information du public concernant les avocats et leur activité professionnelle;
5. à la protection des intérêts des clients et des tiers; les règlements y relatifs peuvent prévoir des mesures d'assurance individuelle ou collective facultatives ou obligatoires ainsi que les prescriptions concernant la conservation des fonds de tiers.

Considérant que l'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE LUXEMBOURG interprète ce texte comme ne conférant pas à la représentation professionnelle le pouvoir d'exécuter tout ou partie de la loi, mais comme investissant l'ORDRE DES AVOCATS d'un pouvoir normatif autonome en la matière;

Considérant que cette argumentation se heurte aux dispositions de l'article 11 (6) de la Constitution du Grand- Duché qui réserve au pouvoir législatif le droit d'établir des restrictions à l'exercice de la profession libérale;
Considérant que par l'effet de cette réserve de la loi énoncée par la Constitution seul le pouvoir législatif peut valablement disposer de la matière érigée en réserve; qu'il est toutefois satisfait à la réserve constitutionnelle si la loi se limite à tracer les principes directeurs tout en déléguant au pouvoir réglementaire la mise en oeuvre du détail;

Considérant que pour organiser cette mise en oeuvre l'article 19 de la loi modifiée du 10 août 1991 délègue
l'exécution des dispositions de la loi à une autorité autre que le Grand-Duc; qu'il est partant contraire à l'article 36 de la Constitution;


Par ces motifs

déclare irrecevable l'intervention volontaire de Maître Gilles PLOTTKE;

dit que l'article 19 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat n'est pas conforme à l'article 36 de la Constitution;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal administratif dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous Georges KILL, vice-président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le Vice-président, Le greffier,
Georges Kill Lily Wampach

Arrêt CCLUX 1603

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 16/03 du 07.02.2003

Numéro 00016 du registre.

Audience publique du vendredi, sept février deux mille trois.


Composition:
  • Monsieur Marc THILL, président,
  • Monsieur Marc SCHLUNGS, conseiller,
  • Madame Andrée WANTZ, conseillère,
  • Madame Léa MOUSEL, conseillère,
  • Madame Marion LANNERS, conseillère,
  • Madame Lily WAMPACH, greffier.

Entre
le SYNDICAT DE LA DISTRIBUTION D’EAU DES ARDENNES, en abrégé DEA, établi à L-8701 USELDANGE, 18, rue de Schandel, représenté par le président de son comité d’administration actuellement en fonctions,
demandeur,
comparant par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch,

et

ZENNERS Jean-Pierre, rentier, demeurant à L-7224 WALFERDANGE, 80, rue de l’Eglise,
défendeur,
comparant par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE:

Vu le jugement rendu le 17 septembre 2002 par le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch et transmis au greffe de la Cour Constitutionnelle le 2 octobre 2002.

Ouï la conseillère Andrée WANTZ en son rapport et sur les conclusions de Jean-Pierre Zenners, déposées le 8 octobre 2002, et du Syndicat de la Distribution d’Eau des Ardennes, déposées le 24 octobre 2002 ainsi que du Ministère Public déposées le 30 octobre 2002.

Considérant que le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, saisi par le Syndicat de la Distribution d’Eau des Ardennes, en abrégé D.E.A., d’une demande d’expropriation pour cause d’utilité publique contre Jean-Pierre ZENNERS aux fins de voir déclarer les formalités prescrites par la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique observées, de voir procéder au règlement des indemnités et de voir ordonner l’envoi en possession, a demandé à la Cour Constitutionnelle de se prononcer sur la question préjudicielle suivante:

«L’article 28 de la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique en disposant que le tribunal fixe, par voie d’évaluation sommaire, le montant de l’indemnité provisionnelle que l’expropriant devra payer à l’exproprié, et l’article 32 en disposant que l’expropriant, après avoir consigné l’indemnité provisionnelle à la Caisse des Consignations, peut se faire envoyer en possession du bien exproprié par ordonnance du président du tribunal, sont-ils conformes à l’article 16 de la Constitution qui dispose que «nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité.»

Considérant que l’article 16 de la Constitution pose d’une part le principe que le propriétaire ne peut être privé des droits qu’il a sur sa propriété et énonce d’autre part la seule exception à ce principe, à savoir la privation de propriété pour cause d’utilité publique en la soumettant toutefois aux exigences et procédures d’une loi et au paiement d’une juste et préalable indemnité.
Que le droit de propriété est un droit fondamental et toute dérogation qui y porte atteinte est d’interprétation stricte.
Considérant que l’article 28 de la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit que «lorsque le tribunal fait droit à la requête de l’expropriation il fixe, dans le même jugement, par la voie de l’évaluation sommaire, les indemnités provisionnelles que l’expropriant devra payer ...» et que l’article 32 de la même loi dispose que «après avoir signifié par exploit d’huissier à toutes les parties défenderesses et intervenantes une copie certifiée conforme 1) du jugement fixant l’indemnité provisionnelle 2) du certificat de dépôt de l’indemnité provisionnelle à la caisse des consignations, l’expropriant peut se faire envoyer en possession du bien exproprié par ordonnance du président du tribunal.»

Considérant que l’indemnité prévue à l’article 16 de la Constitution doit être juste, ce qui signifie qu’elle doit être complète pour dédommager le préjudice subi par le propriétaire privé définitivement de son bien.
Qu’elle doit être préalable, c’est-à-dire que son règlement doit précéder l’envoi en possession.

Considérant que l’envoi en possession sur la seule base de la consignation d’une indemnité provisionnelle sommairement évaluée, n’est pas conforme à l’article 16 de la Constitution qui prévoit une indemnité juste et préalable.


Par ces motifs:

dit que les articles 28 et 32 de la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique pour autant qu’ils prévoient l’envoi en possession de l’expropriant contre consignation d’une indemnité provisionnelle sommairement évaluée, ne sont pas conformes à l’article 16 de la Constitution;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal
d’arrondissement de et à Diekirch dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.


Prononcé en audience publique par Nous, Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le président, Le greffier,
Marc THILL Lily WAMPACH

Arrêt CCLUX 1503

COUR CONSTITUTIONNELLE DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Arrêt n° 15/03 du 03.01.2003

Numéro 00015 du registre.

Audience publique du vendredi, trois janvier deux mille trois.

Composition:

  • Monsieur Marc THILL, président,
  • Monsieur Georges KILL, vice-président,
  • Monsieur Jean JENTGEN, conseiller,
  • Madame Andrée WANTZ, conseillère,
  • Monsieur Roland SCHMIT, conseiller,
  • Madame Lily WAMPACH, greffier.

Entre:

Madame Corina Camelia GRIGORE, de nationalité roumaine, demeurant à L-4336 ESCH-SUR-ALZETTE, 3, rue de la Tuilerie,
demanderesse,
comparant par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,

et:

l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son Ministre d'Etat à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, et pour autant que de besoin par son Ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, demeurant à L-2273 Luxembourg, 20, montée de la Pétrusse,
défendeur,
comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,


LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Vu le jugement rendu le 8 juillet 2002 par le tribunal administratif et transmis au greffe de la Cour Constitutionnelle le 10 juillet 2002.

Ouï le conseiller Roland SCHMIT en son rapport et sur les conclusions de Corina Camelia GRIGORE déposées le 30 juillet 2002 et le 6 septembre 2002 et sur celles déposées par l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg le 9 août 2002.

Saisi d'un recours formé par Corina Camelia GRIGORE contre un arrêté du 1er octobre 2001 pris par la ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et portant refus d'accorder l'homologation du diplôme de docteur en stomatologie délivré en 1994 par l'Université «OVIDIUS» de Constanze (Roumanie) au motif que la requérante n'avait pas suivi un certain nombre de matières obligatoires énumérées à l'annexe du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 fixant les critères d'homologation des titres et grades en médecine dentaire pris en exécution de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l'enseignement supérieur et l'homologation des titres et grades étrangers d'enseignement supérieur, le tribunal administratif a saisi la Cour Constitutionnelle de la question préjudicielle suivante:
«L'article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l'enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d'enseignement supérieur, en ce qu'il dispose que «l'homologation (des titres et grades étrangers d'enseignement supérieur) ne pourra être accordée que si les études supérieures des postulants et leurs diplômes ou titres d'examens finals d'étrangers répondent à certains critères généraux, à établir par règlement grand-ducal pour chaque discipline. Ce règlement pourra fixer, selon les besoins des différentes disciplines, entre autres une durée
minimale des études supérieures ainsi que la nature et l'étendue des matières qui doivent avoir fait l'objet de l'enseignement théorique et pratique. Les diplômes présentés à l'homologation doivent, sans dérogation possible, conférer un grade d'enseignement supérieur reconnu par le pays d'origine, ou y donner accès au stage ou à la profession, selon la branche choisie, sans qu'une discrimination puisse être faite entre titres légaux et titres scientifiques, entre titre d'Etat et titres d'Université (...)», est-il conforme à la Constitution et notamment à ses articles 11 (6) et 23 pris dans ses troisième, sinon quatrième alinéa»?

Considérant que la question indique avec précision les dispositions législatives et constitutionnelles sur lesquelles elle porte;

Considérant que l'article 11(6) de la Constitution dispose que «la loi garantit la liberté du commerce et de l'industrie, l'exercice de la profession libérale et du travail agricole, sauf les restrictions à établir par le pouvoir législatif» et que l'article 23 de la Constitution, en ses passages pertinents, énonce que «(la loi) règle (...) tout ce qui est relatif à l'enseignement (alinéa 3)» et que «chacun est libre de faire ses études dans le Grand-Duché ou à l'étranger et de fréquenter les universités de son choix, sauf les dispositions de la loi sur les conditions d'admission aux emplois et à l'exercice de certaines professions» (alinéa 4);

Considérant que l'effet des réserves de la loi énoncées par la Constitution consiste en ce que nul, sauf le pouvoir législatif, ne peut valablement disposer des matières érigées en réserve; qu'il est toutefois satisfait à la réserve constitutionnelle si la loi se borne à tracer les grands principes tout en abandonnant au pouvoir réglementaire la mise en oeuvre du détail;

Considérant cependant que l'article 4 de la susdite loi abandonne en partie au pouvoir réglementaire l'établissement pour chaque discipline de critères généraux autres que ceux qu'il prévoit lui-même - durée minimale des études supérieures, nature et étendue des matières devant avoir fait l'objet de l'enseignement théorique et pratique -; que dans cette mesure, il est contraire à la Constitution.


Par ces motifs

dit que l'article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l'enseignement supérieur et l'homologation des titres et grades étrangers d'enseignement supérieur est contraire aux articles 11(6) et 23, alinéa 3 et 4 de la Constitution dans la mesure où il prévoit l'établissement par voie de règlement grand-ducal d'autres critères que ceux qu'il fixe lui-même;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au tribunal administratif dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Prononcé en audience publique par Nous, Marc THILL, président de la Cour Constitutionnelle, date qu'en tête.

Le président, Le greffier,
Marc THILL Lily WAMPACH